Le bicentenaire de la Campagne de France en 2014 a été commémoré grandement par les passionnés et héritiers du Premier Empire de février à juin, mais en l’absence des élites qui gouvernent la France actuelle. Le Bréviaire des Patriotes (Christopher Lings « faux lannes ») avait interviewé à distance Loïck Bouvier, Manager du Carré Impérial, après son expédition « Marie-Louise », une marche de 250 km de Saint-Dizier à Château-Thierry en hommage à la vieille Garde.
Le Bréviaire des Patriotes – Que retenez-vous de la Campagne de France de 1814 ?
Loïck Bouvier : Une France en danger, mais qui a permis à Napoléon d’atteindre l’apogée de son art militaire, et à ses soldats de se montrer, une nouvelle fois, dignes héritiers des héros antiques.
L’arrivée des renforts de son armée d’Espagne
De janvier à fin mars 1814, la principale zone d’opération concernait le Nord et l’Est de la France, et Napoléon était face à trois armées coalisées. Leur objectif était d’aller directement à Paris pour y prendre le pouvoir, non de contrôler le territoire franchi – les garnisons françaises d’Alsace-Lorraine et d’Allemagne n’avaient point été inquiétées. En janvier, l’objectif de Napoléon était de réorganiser son armée. Il devait gagner du temps en faisant des combats d’avant-garde (Saint-Dizier, Brienne, La Rothière), afin de permettre l’arrivée des renforts de son armée d’Espagne. L’armée d’Espagne arrivant début février, quatre phases épiques suivirent…
1re phase : Napoléon put enfin commencer sa stratégie en prenant Nogent s/Seine comme centre des opérations, et en prenant Paris – Nogent s/Seine comme axe opérationnel. Du 10 au 14 février, Napoléon et sa vieille Garde détruisirent l’armée de Silésie commandée par Blücher après quatre victoires (combat de Champaubert, bataille de Montmirail, combat de Château-Thierry et bataille de Vauchamps).
2e phase : du 17 au 21 février, Napoléon mit en déroute l’armée de Bohème commandée par Schwarzenberg (combats de Nangis et de Montereau), et la repoussa au-delà de Troyes. Schwarzenberg demanda même l’armistice.
3e phase : du 27 février au 13 mars, Napoléon pourchassa la nouvelle armée de Blücher (fusion des débris de l’armée de Silésie avec l’armée du Nord de Bernadotte) d’Arcis à Laon avec deux victoires (combats de Craonne et de Reims). De ce résultat, l’axe opérationnel Paris-Metz pouvait-être rétabli, séparant au nord, l’armée du Nord de Blücher et Bernadotte, et au sud, l’armée de Bohème de Schwarzenberg.
4e phase : du 14 au 27 mars, Napoléon arriva sur les arrières de l’armée de Bohème à Arcis, débutant l’axe opérationnel Paris-Saint-Dizier, et pouvant rejoindre les garnisons françaises de l’Est. Cette manœuvre était un coup de poker pouvant épouvanter l’ennemi avec la prise des convois d’armements, de munitions, et de vivres.
Mais le 27 mars, apprenant l’échec du maréchal Marmont face à l’armée du Nord, Napoléon fut contraint d’abandonner cette stratégie, et dut repartir en direction de Paris. La fin n’est que tragique avec son abdication.
LBdP – Selon vous, quelles ont été les principales causes de la défaite française ?
L.B : À ce sujet, on a pu entendre et lire quelques jugements absurdes des historiens de salon… « Que Napoléon se fatiguait, vieillissait ; que ses ennemis connaissaient, à force de le combattre depuis 20 ans, sa stratégie militaire et qu’il devenait donc vulnérable ; que son armée était décimée depuis la campagne de Russie de 1812 et que, par conséquent, son armée de 1814 était inférieure numériquement ». Des raccourcis faciles colportés par des poltrons qui servent la cause de l’Ancien Régime. Je persiste à dire que la campagne de 1814 représente 3 mois de victoires militaires qui se sont transformées en quelques jours en une défaite psychologique.
L’ennemi était au bord de la rupture physique
La grande faute, c’est la trahison des élites ! Complètement détachées du peuple, elles ont privilégié l’intérêt personnel à l’intérêt général. Talleyrand complotait avec l’ennemi, et se chargeait d’installer une situation alarmiste dans Paris. Savary, le ministre de la Police, et Clarke, le ministre de la Guerre, paniquaient, et faisaient des « singeries »… Joseph, frère de Napoléon et étant son adjoint à Paris, était très influençable. Certains maires et préfets préféraient fuir, laissant les habitants sans repère. Certains généraux et maréchaux avaient amassé tellement d’argent et de propriétés dans Paris qu’ils préféraient négocier avec l’ennemi pour la sauvegarde de leurs biens que de risquer de tout perdre après une insurrection parisienne. Si les élites avaient joué leur rôle de soutien au peuple, le peuple aurait facilement délogé l’ennemi, car celui-ci, après 3 mois de défaites militaires, était au bord de la rupture physique.
LBdP – On a tenté de faire croire, après la chute de l’Empire, que le peuple commençait à se retourner contre Napoléon. Est-ce la vérité ?
L.B : Les Royalistes, revenus au pouvoir, avaient tout intérêt à calomnier Napoléon pour se donner une légitimité. Malgré la propagande des historiens royalistes, le peuple était toujours nostalgique de vingt ans de gloire avec l’Empereur, et son Code civil était gravé pour la postérité. Durant la campagne de France, le peuple avait aidé grandement l’armée française. Il pouvait perdre espoir, mais quand l’Empereur se montrait, il se déchaînait, se transcendait, et réalisait l’impossible. En 1830, il y avait eu un vent de contestation en Europe, et on songeait au retour de son fils, « l’aiglon », à Paris, en Belgique, et en Pologne. Et puis, en 1852, c’était le retour de l’ère napoléonienne avec son neveu Napoléon III, et cela a duré près de 20 ans. Napoléon et son entourage ont profondément marqué les peuples plus en bien qu’en mal. De nos jours, des millions de personnes se recueillent chaque année devant son tombeau au Dôme des Invalides à Paris.
LBdP – Quels livres avez-vous à conseiller sur le sujet ?
L.B : Bien qu’il y ait beaucoup de livres à ce sujet, je n’en trouve aucun crédible parmi ceux qui ont été publiés récemment. C’est chose difficile de relater, et d’interpréter des faits d’armes, deux siècles après, surtout si les auteurs sont des historiens de salon qui n’ont jamais connu le baptême du feu, comme le disait le général Gourgaud, un des proches de Napoléon… L’idéal serait d’avoir des historiens de terrain, des militaires ayant vu la mort en face, mais pour le moment, je n’en vois aucun à l’horizon ayant ce profil particulier. Pour mieux comprendre et analyser ces faits d’armes, il faut revenir à un état d’esprit du XIXe siècle, un état d’esprit aventurier et audacieux, au-delà des limites ; il faut garder sa liberté de penser, s’interroger en permanence, éveiller de la curiosité, avoir de la cohérence, et ne jamais prendre pour vérité ce qui est véhiculé par les cupides et ceux dépourvus d’honneur. Il y a bien un livre à conseiller, c’est celui qui rassemble la correspondance de Napoléon. Et qui d’autre que lui pouvait le mieux relater, et interpréter les événements de cette campagne de 1814 ? Lui, était aux commandes… Lui, avait toujours le regard sur les mouvements, tel un aigle qui survole…
Cela fait un long moment que je n’étais venu sur le site du « Carré », je n’avais donc pas lu cet article sur la trahison des « élites » françaises en 1814.
Ah, les belles « élites » !
À quelques différences près, celles d’aujourd’hui leur sont si semblables qu’on ne saurait s’étonner de leur absence aux cérémonies commémorant la Campagne de France que déplore Loïck Bouvier dans l’interview qu’il a donnée au « Bréviaire des Patriotes ».
En effet, rappelons-nous le 2 décembre 2005 !
Ce jour mémorable de la grande Histoire de notre pays vit la fuite honteuse et éperdue de nos « élites », qui, tétanisées par la publication du livre (il paraît que c’est ainsi que l’on désigne ce genre chose) de Claude Ribbe, « Le Crime de Napoléon », s’esquivèrent toute honte bue pour quelque motif que ce fût, pour, surtout, surtout, être absentes de la commémoration du bicentenaire de la victoire d’Austerlitz.
Alors, la Campagne de France…
Les élites de 1814 ? Des comploteurs arrivistes – et pourtant déjà arrivés – de basse espèce, qui, après avoir profité de ses largesses et lui avoir servilement léché les bottes, s’étaient mis à frapper Napoléon dans le dos tout en cherchant d’autres bottes à cirer. Il fallait se garder pour l’avenir.
L’archétype de ces « élites », cru 1814, n’est autre que le repoussant Talleyrand, qui, rappelons-le, n’a réussi à survivre à l’oubli des foules que par la seule vertu (!) de l’interprétation magistrale de Sacha Guitry dans « Le Diable Boiteux ».
Je n’ajouterai rien aux réflexions que j’ai lues dans cet article. Elles parlent d’elles-mêmes et mon propos serait redondant. Donc, sans intérêt.
La remarque sur les « historiens de salon » est particulièrement « goûteuse ».
Nous les connaissons tous, ces historiens, dont quelques-uns, disent de méchantes langues, officieraient par n… (je sais, cela ne se dit plus, donc je ne l’écris pas) interposés.
Ceci me remet en mémoire une émission de télévision consacrée à l’Empire, où l’on put entendre l’un des invités affirmer de son plus grand sérieux qu’Austerlitz était une bataille ratée dont… le hasard fit la victoire que l’on sait. Il faut oser.
Cet invité aurait pu également employer l’expression de « partie » ratée, l’un de nos plus médiatiques historiens de l’époque affirmant que la conception que l’Empereur avait de cet art difficile et douloureux qu’est la guerre ressortissait davantage au poker qu’aux échecs. Là aussi, il faut oser.
Ne chipotons pas sur les mots, avec de tels « révélateurs » de son œuvre civile et militaire, il est bien servi, Napoléon ! Qu’importe d’ailleurs, les affaires sont les affaires, et le principal est que tout cela rapporte.
N’étant pas compétent en la matière, je me garderai bien de formuler un avis technique sur cette tragique – je n’écris pas belle, car une belle bataille ne pourrait être que celle que l’on gagne sans avoir de morts et de blessés à déplorer – et époustouflante campagne de 1814, qui vit Napoléon tenir en respect la meute enragée lancée à ses trousses à un contre trois, parfois quatre. En ce sens, on peut effectivement écrire que 1814 est une « belle » campagne.
Encore un petit effort, une « gonflette » du « cash flow » des monarchies européennes par injection supplémentaire de livres sterling, et il n’y aurait plus qu’à procéder à une dernière formalité : la mise à mort.
En dépit de ce sinistre contexte, j’avoue que je jubile sans vergogne en imaginant ce détestable soudard de Blücher s’enfuyant piteusement sur les chemins boueux de la Marne, talonné par l’Empereur et ses « Marie-Louise ». Cette horrible brute prendra hélas sa revanche un an plus tard, non sans avoir reçu une dernière dégelée à Ligny, le 16 juin.
Loïck Bouvier dit que, malgré le grand nombre d’ouvrages consacrés à cette campagne, il n’en trouve « aucun crédible parmi ceux qui ont été publiés récemment ».
Ce vocable « récemment » est juste, car, si les ouvrages ne manquent pas, qui relatent les campagnes de l’Empire, c’est le plus souvent de manière rébarbative. Il y manque généralement ce souffle épique qui animait les soldats de la Grande Armée.
C’est pourquoi, sans vouloir donner de conseils à quiconque, je prends la liberté d’en suggérer un : « Napoléon en 1814 » (éditions Haussmann, 1959), du commandant Henry Lachouque, un grand, un très grand, un authentique auteur napoléonien, un « pur » en termes familiers.
Du même auteur, il importe aussi de lire « Les Derniers jours de l’Empire » (éditions Arthaud, 1965), qui s’ouvre sur les ultimes moments de la titanesque empoignade de Waterloo, et s’achève sur le caillou sordide de Sainte-Hélène. Alerte, haletant comme un roman – qu’il n’est pas – policier.
Ce livre, qui dénonce vigoureusement l’ignominie des élites – gardons le mot – de 1815, cette fois, je l’ai lu et relu. Je le relis encore, avec, à chaque fois, de la colère et une tristesse infinie : un si grand homme trahi et abattu par de si misérables sbires !
Heureusement, sur le site du « Carré », le Napoléon que nous admirons est toujours parmi nous. Qu’il en soit remercié.
Jean-Claude Damamme
Représentant pour la France de la Société Napoléonienne Internationale de Montréal
je ne peux que rejoindre M Damamme dans son commentaire, avec un seul point rectificatif, la présence de Nicolas Dupont Aignan ou de ses représentants à certains des bicentenaires de 1814 ou bien aux cérémonies des 5 mai et 2 décembre.
pour ce qui est des « Lachouque » que dire si ce nest que les larmes me viennent à chaque lecture et ce quelle que soit la période de l’épopée évoquée.