Austerlitz – Manuscrit dicté par Napoléon

Le rarissime manuscrit de la bataille d’Austerlitz, sous la dictée de l’Empereur Napoléon 1er, avait été ramené par le général Bertrand de Sainte-Hélène. Le manuscrit débute par le récit des premiers mois de la Campagne qui verra les combats de Donauwörth, Wertingen, Gunzburg, Memmingen, Elchigen, Nerenstetten, Neresheim, Ulm, Ried, Lambach, Steyer, Amstetten, Dürenstein, la prise de Vienne, Hollabrunn, Wischau pour arriver à la glorieuse bataille d’Austerlitz.

9 frimaire AN XIV (30 novembre 1805)

Le maréchal Davout était arrivé le 9 avec le général Friand et deux divisions de dragons à Nicolsbourg (Mikulov). Le maréchal Bernadotte avec son corps d’armée était à une demie journée en arrière de Brunn (Brno). Les ennemis encore éloignés ne pouvaient le lendemain que se placer devant l’Armée française et commencer tout au plus quelques attaques qui ne pouvaient être décisives. Ils n’occupaient pas encore les hauteurs de Prazen (Pratzen) qui étaient couverts par notre cavalerie, dès lors, ils ne pouvaient plus faire une attaque en force dans la journée du 10. Il ne pourrait plus non seulement déborder, mais même aborder de toute la journée, la droite de l’armée, placée en arrière comme elle l’était ; en supposant que l’intention de l’ennemi fut d’attaquer dans la journée du 10, il est évident par les dispositions de la nuit qu’il ne pourrait attaquer que la position du Sauton à Girschikorita (Jirschikowitz) sur plusieurs colonnes en masses, comme les Russes ont fait quelques fois. 12 pièces de canon, placées sur le santon, 6 sur les revers, 24 placées dans les intervalles de la division Suchet et des dragons, auraient vomi la mort et arrêté la marche des colonnes ennemies. dans une position aussi avantageuse, la perte de l’ennemi réuni en masse paraissait immanquable sans même un engagement sérieux de la part de l’armée française. […]

Reconnaissance

L’Empereur, huit jours avant, avait reconnu les hauteurs du […] champ de bataille. Il avait compris que l’ennemi mettrait tous ses soins à déboucher au couvent de Rayern pour lui couper la route de Vienne et déborder sa droite ; par ce mouvement, la gauche de l’ennemi aurait été elle-même au-devant du maréchal Mortier, qui occupait Vienne, où il attendait que l’armée du général Marmont, qui avait déjà évacué Gratz, vînt occuper la capitale pour joindre avec toutes ses forces à Nicolsbourg les corps du maréchal Davout. L’Empereur, appuyé à une forteresse ouvrant le débouché de la Bohême et d’Iglau par lequel arrivait le maréchal Bernadotte, aurait manoeuvré sur les belles positions de Brünn, contre l’armée Russe qui, par sa tendance à arriver à Vienne avant l’Empereur, se serait placée elle-même entre deux corps d’armée et aurait eû sur les bras 30 mille hommes de plus qu’elle n’en a eu à la bataille d’Austerlitz. Toute marche en arrière retardait la bataille d’un jour et chaque jour de retard rassemblait l’armée française et mettait l’armée russe dans une position plus critique.

L’Empereur choisit dès lors un champ de bataille et résolut d’y attendre l’ennemi. Bien sûr, d’être renforcé dans la journée du 10 des corps des maréchaux Davout et Bernadotte, il fit alors passer le défilé de Bellovitz à la division Suchet et la fit remplacer par la division du général Caffarelli.

Pendant la journée du 9, il parcourut tous les plateaux entre Aujezd, Pratzen et Girikowitz.

« Il s’avança même si loin avec peu de monde que le piquet de son arrière garde (escorte) fut chargé par les cosaques ».

Ajout de Napoléon

Si je voulais, dit l’Empereur, empêcher l’ennemi de tourner ma droite, je me placerais sur ces belles hauteurs, mais je n’aurais qu’une bataille ordinaire, avec l’avantage du poste. Mais outre que l’on pourrait courir les risques d’avoir un engagement trop sérieux le 10, l’ennemi nous voyant ainsi à découvert ne pourrait guère commettre que des fautes de détail, et nous devons, avec des généraux peu experts dans la grande guerre, profiter de leurs fautes principales.

10 frimaire AN XIV (1er décembre 1805)

Le 10, à la pointe du jour, le général Suchet se plaça, la 1ère ligne en bataille, la 2e en colonne, sur le revers qui du Santon se prolongera à Girchkovitz. Les dragons du général Walter occupaient le village, et le général Caffarelli fut placé en 2e ligne à cheval sur la route, la gauche appuyée à un mamelon. Les hauteurs qui séparent le Santon du village de Bellatitz et Horoskow étaient couronnées par différents postes. Le corps du maréchal Soult formait la droite et la refusait, campé derrière Puntowitz et les lacs de Kobelnitz.

Ces dispositions montraient l’intention de l’Empereur de ne pas engager une affaire sur ces points-là. La journée du 10 se passa en reconnaissances respectives ; l’armée ennemie se montrait cependant de tous côtés ; sa droite paraissait appuyée à Posoritz, son centre au village de Bloporitz et sa gauche couronnait toutes les hauteurs de Pratzen. Différents mouvements de cavalerie eurent lieu, peu importants en eux-mêmes, mais plus propres cependant à encourager l’ennemi, dans ses attaques qu’à le décourager. Vers 3 heures après-midi l’ennemi parut faire un mouvement plus décidé vers sa gauche, il exécuta à trois portées de canon de nos avant-postes une marche de flanc dont on apercevait tous les détails sans lunettes. Nos éclaireurs de cavalerie placés sur la hauteur d’Aujezd, se ployèrent, et à la nuit, se trouvèrent en avant de Telnitz et Sokolnitz. […]

Les mouvements ennemis, que l’Empereur avait toujours présumés, étaient alors entièrement démasqués. Il était évident que l’ennemi voulait tourner la droite par les villages de Telnitz et Sokolnitz, il ne pouvait faire ce mouvement qu’en occupant 4 lieues de terrain, qu’en s’enfonçant dans les allées et occupant faiblement les hauteurs principales. L’Empereur conçut alors qu’en faisant une manœuvre contraire à l’ennemi, en réunissant toutes ses forces de manière que l’extrême de sa droite se trouva placée vis à vis le centre de l’ennemi [corrections de la main de Napoléon], il s’emparerait aisément des hauteurs de Pratzen, couperait l’armée en deux, jetterait toute la gauche russe dans les marais et les bas fonds où elle se trouverait prise entre l’armée et le corps du maréchal Davout qui était à Nicolsbourg et dont l’avant-garde était déjà arrivée au couvent de Rayern, que la ligne d’opérations de l’armée russe était la route d’Olmütz, serait faiblement gardée et enlevée et que pour peu qu’on eut de bonheur et de bonne contenance, cette armée serait vaincue presque sans combattre, perdue et anéantie, quelques efforts de courage qu’elle put faire ensuite.

Revue de l’Empereur

La veillée d’Austerlitz – huile sur toile de Bacler d’Albe Louis Albert Guislain –
Versailles

À 9 heures du soir, l’Empereur visita tous les bivouacs de son armée. C’était la veille de l’anniversaire de son couronnement. Il avait fait lire aux troupes la proclamation. Il serait impossible de peindre l’enthousiasme des soldats en le voyant. Par un mouvement spontané qui caractérise la confiance qui animait le soldat français, ils se communiquent l’idée de lui donner une illumination ; des fanaux de paille furent mis en un instant au haut de milliers de perches et 80 mille hommes se présentèrent au-devant de l’Empereur en le saluant par des acclamations, les uns pour fêter l’anniversaire de son couronnement, les autres disant que l’armée donnerait le lendemain son banquet à l’Empereur.

En passant devant le 28e de ligne qui avec beaucoup de conscrits du Calvados et de la seine Inférieure, l’Empereur lui dit :

« J’espère que les Normands se distingueront aujourd’hui. »

L’Empereur qui connaît la composition de chaque régiment disait à chacun son mot et ce mot arrivait au cœur de ceux à qui il était adressé et devenait leur mot de ralliement au milieu du feu, il dit au 57e : « Rappelez vous qu’il y a bien des années que je vous ai surnommé le Terrible ».

Un des plus vieux grenadiers s’approcha de lui et lui dit : « Sire, tu n’auras pas besoin de l’exposer, je te promets au nom des grenadiers de l’armée que tu n’auras à combattre que des yeux et que nous t’amènerons demain les drapeaux et l’artillerie de l’armée russe pour célébrer l’anniversaire de ton couronnement. » (se référer à la réaction Austerlitz, le scandale de la citation dénaturée).

L’Empereur dit en entrant dans son bivouac, qui consistait dans une mauvaise cabane sans toit, que lui avaient faite les grenadiers :

« Voilà la plus belle soirée de ma vie ; mais je regrette de penser que je perdrai bon nombre de ces braves gens, je sens au mal que cela me fait qu’ils sont véritablement mes enfants, et en vérité, je me reproche quelque fois ce sentiment, car je crains qu’il ne finisse par me rendre inhabile à la guerre. »

Si l’ennemi eut pû voir ce spectacle, il en eut été épouvanté ; mais il continuait toujours son mouvement et courait à grands pas à sa perte.

11 frimaire AN XIV (2 décembre 1805)

Il était minuit lorsque l’Empereur rentra à son bivouac et reçut le rapport de son aide-de-camp Savary, qu’il avait envoyé aux villages de Tilnitz et Sokolnitz pour s’assurer si l’ennemi avait de l’infanterie devant ces villages et en quel nombre. Il lui rapporta que le général Merle, qui commandait sur ce point, avait en présence des corps assez nombreux, non seulement de cavalerie mais d’infanterie qui avaient pris position devant lui.

En ce cas dit l’Empereur :

« Il n’y a plus à hésiter, il faut demain livrer bataille, aucun doute sur les futurs projets qui animent les généraux de cette armée, avant demain à cette heure, elle sera à nous. »

Davout

Il fit sur le champ ses dispositions. Il donne l’ordre au maréchal Davout de se rendre à Rayern, de prendre le commandement de la division de son corps d’armée qui y était arrivé, d’agir d’une manière indépendante et détachée, de se mettre en mouvement avant le jour pour tacher de joindre l’ennemi au village de Telnitz et si l’ennemi avait débordé de le contenir, de le harceler mais de ne l’attaquer vigoureusement que lorsque l’ennemi serait coupé et qu’il verrait les hauteurs de Pratzen occupées par nos troupes.

Soult

Il donne au maréchal Soult le commandement de la droite, et lui ordonne d’occuper sur le champ en force le village de Telnitz et surtout celui de Sokolnitz afin que ces villages ne puissent pas être enlevés par les coureurs ennemis et qu’il fut obligé de faire des dispositions pour l’attaquer en règle, le plan général de la bataille voulant que l’ennemi ne s’emparât de ces villages que lorsque nous serions arrivés sur les hauteurs de Pratzen. […] Il ordonne au maréchal Soult de faire prendre les armes à petit bruit à 4 heures du matin à son corps d’armée de faire passer le ruisseau sur les ponts qu’il avait établis, ayant soin cependant de laisser assez de monde au bivouac pour entretenir les feux jusqu’au jour, de placer en avant de Kobelnitz sur deux lignes et une colonne d’attaque la brigade Levasseur composée des 18e et 75e de ligne et des tirailleurs corses, de former sur trois lignes et en colonne d’attaque en avant de Puntowitz les trois brigades de la division St Hilaire et de disposer dans le même ordre en avant de Girzhowitz les 3 brigades de la division Vandamme.

Bernadotte

Il donne le commandement du centre au maréchal Bernadotte, lui ordonne de faire partir une heure avant le jour le général Kellermann avec sa cavalerie légère pour qu’elle se réunisse à celle du Prince Murat et d’être lui-même rendu à la pointe du jour avec ses deux divisions d’infanterie à la hauteur du quartier général, de passer le ruisseau au village de Girzhowitz et de lier sa droite au maréchal Soult, sa gauche à la cavalerie du prince Murat.

Murat

Il ordonne au Prince Murat de prévenir tous les commandants de cavalerie et de faire ses dispositions pour réunir sa cavalerie à gauche du village de Girzhowitz, d’appuyer sa droite au maréchal Bernadotte, sa gauche au maréchal Lannes.

Lannes

Il donne le commandement de la gauche au maréchal Lannes, lui ordonne de former les divisions Suchet et Caffarelli en avant du ruisseau, d’appuyer sa droite à la cavalerie du Prince Murat […].

Bessières – Oudinot

Il ordonne au maréchal Bessières et au général Oudinot de se former au point du jour sur 2 lignes en colonne serrée par bataillon à distance de déploiement avec l’artillerie dans les intervalles et sa cavalerie en colonne serrée par escadron.

Les dispositions de l’ennemi étaient toutes différentes

Le Prince Bagration commandait la droite composée de 12 bataillons et 40 escadrons et occupait les hauteurs de la poste. Le Prince de Lichstentein avec la plus grande partie de la cavalerie se trouvait entre le centre et la droite. Le général en chef Kutusov commandait le centre et garnissait les hauteurs de Pratzen avec la 3e colonne forte de 24 bataillons commandés par le général Przibyschewski et la 4e colonne sous les ordres du lieutenant général Kollowrath. Le général Buxhowden commandait l’aile gauche composée de 2 colonnes : celle du général Langeron forte de 18 bataillons occupait les hauteurs, au dessus d’Aujzd. Le général Wimpfen à la tête de 18 bataillons était à l’extrême droite et occupait le village d’Aujzd. Le général Kienmayer avec quelqu’infanterie et cavalerie formait l’avant-garde de l’aile gauche. […]

Par ces dispositions, l’extrémité de la droite de l’armée française se trouvait vers le centre de l’armée russe et débordée de la moitié du corps du général Kutusof, de celui du général Buxhowden et de celui du général Kienmayer. La simplicité et la sagesse des dispositions de l’Empereur animaient tout le monde de la plus grande confiance.

La nuit était belle et éclairée par la lune. L’immense quantité de feu des deux armées embrasait toute l’atmosphère. L’Empereur dormit 3 heures.

Le vrai courage, c’est celui de 03h du mat

À 3 heures du matin, il monta à cheval pour voir si l’ennemi avait fait des mouvements dans la nuit. La lune s’était couchée, le temps avait fraîchi ; à l’ivresse et aux fêtes de l’armée française avait succédé un morne silence. Tout le monde dormait.

L’Empereur se rendit au village de Girzhowitz ; un régiment de dragons était de grand garde dans la rue ; il apprit par le rapport des sentinelles que les bruits de l’armée ennemie venaient de cesser, mais que jusqu’à 2 heures du matin, on avait entendu le mouvement et la marche des troupes, se dirigeant toujours sur leurs gauches, c’est-à-dire sur Telnitz et Sokolnitz. Les feux s’étaient effectivement prolongés et renforcés de ce côté ; ce fut un nouvel espoir de succès et une confirmation des fautes que commettait l’ennemi.

À la pointe du jour, les feux des bivouacs ennemis commencèrent à s’éteindre et malgré l’obscurité les hauteurs de Pratzen en paraissaient déjà dégarnies. Les dispositions prescrites par l’Empereur étaient déjà partiellement exécutées. L’Empereur était sur le petit monticule du bivouac, environné de tous les maréchaux, il ne doutait pas que l’ennemi ne poursuivit l’exécution de ses projets ; mais il attendit encore avant de donner le signal du combat, que le jour lui eut assuré que l’ennemi persistait dans le même plan. Cependant les cinq divisions de l’armée ennemie descendaient des hauteurs, à la pointe du jour et se dirigeant entre les villages de Telnitz et l’étang de Kobelnitz, avec le dessein de se porter sur Turas et de tourner toute la droite de l’armée française. Le reste de l’armée devait alors appuyer ce mouvement. Le prince Bargration, la garde impériale et la cavalerie du Prince Lichstentein devait poursuivre par le grand chemin de Brünn la gauche de l’armée française qu’on supposait devoir reculer pour soutenir sa droite.

Aux premiers rayons de l’aurore, quelques coups de fusil se firent entendre au village de Telnitz, la fusillade devint vive et la canonnade ne tarda pas à s’engager. Cependant les différentes divisions de l’armée étaient placées dans des fonds et ne pouvaient être aperçues à cause de la fumée des bivouacs et des brouillards assez ordinaires aux environs des marais au lever du soleil. Bientôt le soleil se lève radieux. Cet anniversaire du couronnement de l’Empereur où allait se passer un des plus beaux faits d’armes du siècle, fut une des plus belles journées de l’automne ; l’obscurité qui restait encore sur les hauteurs se dissipa, elles paraissent dégarnies de cette immense quantité de monde qui y avait passé la nuit et faiblement gardées.

Combien vous faut-il de temps, dit l’Empereur au maréchal Soult pour arriver sur les hauteurs de Pratzen avec vos divisions ? Moins de 20 minutes lui répondit le maréchal ; en ce cas dit l’Empereur, attendons encore un quart d’heure. Le feu cependant devenait toujours plus vif au village de Telnitz où l’ennemi ne paraissait encore faire aucun progrès. Un aide de camp arrive bientôt de la droite, annonce que la gauche de l’ennemi, qui parait forte de 40 à 50 mille hommes, descendait sur cinq colonnes, que déjà la masse des colonnes avait évacué les hauteurs, que l’ennemi voulait forcer les villages de Telnitz et Sokolnitz, qu’il fallait renforcer ces villages si on voulait les conserver, que rien ne pourrait là résister à cette immense supériorité. Cet officier ignorait, comme de raison, que l’abandon ces villages entrait dans les plans de l’Empereur.

08H30 : le signal du combat !

L’Empereur donne le signal, le Prince Murat, les maréchaux Bernadotte, Lannes et Soult partent au galop, il était environ 8 heures et demie. L’Empereur dit, en passant sur le front des baudriers de plusieurs régiments :

« Soldats, il faut finir cette campagne par un coup de tonnerre qui confonde l’orgueil de nos ennemis. »

Et aussitôt les chapeaux, au bout des baïonnettes et des cris de Vive l’Empereur ! furent le véritable signal du combat. Les voltigeurs des divisions Vandamme et St Hilaire commencèrent le feu. En un moment, ces divisions gravissent les hauteurs, en colonne, et l’arme au bras. La cavalerie du prince Murat s’ébranle ; à gauche commandée par le maréchal Lannes s’avance. Une canonnade épouvantable s’engage sur toute la ligne, 200 pièces de canon et près de 200 mille hommes faisaient un bruit affreux. C’était un véritable combat de géants.

L’ennemi cependant s’aperçoit de ce mouvement sur son centre, renforce les hauteurs de tout ce qu’il peut trouver de disponible, sans garde ni rang de division, ni de colonnes. Il place partout, et au hasard, des bataillons en bataille. Le général Kutusov, qui commandait le centre, s’avance avec toutes sa réserve : faible et vaine ressource.

Cette armée surprise pendant une marche de flanc se croyant attaquante et se voyant attaquée, se regarde déjà comme à demi battue. Cependant le gal Kutusov prend toutes les mesures qui dépendent de lui, il sent que le sort de la bataille est attaché à la possession des hauteurs de Pratzen, l’armée française qu’il voit sur 3 lignes en colonnes serrées, marchant et n’ayant pour but que de s’emparer des hauteurs, lui font pressentir la destinée de la journée.

L’Empereur de Russie et le général Kollowrath qui avaient dû retarder leur mouvement pour donner le temps aux autres colonnes de filer, aperçoivent l’armée française au moment où son mouvement en avant la fait sortir du brouillard des marais et la montre à mi-côte prête à arriver sur le sommet des hauteurs. À peine le général Kutusov a t-il le temps de mettre en bataille la 4e colonne, d’envoyer quelques bataillons dans le village de Pratzen et de faire quelques dispositions de cavalerie que le 10e d’infanterie légère du général St Hilaire, négligeant le village, passe le ruisseau et marche droit aux hauteurs. Le maréchal Soult avait compris que l’attaque du village le retarderait et sentait l’importance de conserver les hauteurs dans le premier moment de surprise et de stupeur ; à 150 pas, le 10e engage le feu, culbute l’ennemi et s’empare de la position. Le général Morand qui commandait cette avant-garde était soutenu par la brigade du général Thiebault composé des 14e et 36e régiment de ligne. Le gaénéral Varé avec la 3e brigade formée des 43e et 55e de ligne, tiennent la gauche des villages, couronnant les hauteurs, prend en flanc deux régiments russes destinés à soutenir le village, les attaque encore mal formés et les renverse. L’ennemi évacue le village de Pratzen, il est poursuivi, le désordre et l’épouvante se propagent dans tous les rangs.

La division du général Vandamme arrivait, en ce moment, à la hauteur de la brigade du général Varé. Elle attaqua sur le champ la 4e colonne que le gal Kutusov venait de former en bataillon, elle était formée de plusieurs lignes et refusait sa droite placée sur les sommets […] ces sommets étaient hérissés de bouches à feu. La 1ere ligne est enfoncée et son artilleie est prise. La 2e est culbutée et la cavalerie qui la soutenait fuit en désordre. Six bataillons, qu’un mamelon masquait dans leur mouvement, manœuvraient pour tourner la gauche de la division. Le 4e régiment de ligne les attaque de front, le général Schiner avec le 24e d’infanterie légère le prend en flan, aborde l’ennemi sans tirer un coup de fusil et le taille en pièces. Un régiment russe et le régiment d’huhlans autrichien périssent presqu’entier.

Cependant, le Prince Murat avec toute sa cavalerie s’était porté au village de Blazowitz. La cavalerie ennemie qui au premier moment était accourue pour soutenir la 4e colonne est arrêtée tout court dans son mouvement, retourne pour prendre sa première position appuye la gauche du prince Bagration et coopère à la défense du village de Blazowitz où devaient arriver la garde impériale et les deux empereurs. Le village de Blazowitz était occupé par 1 200 russes, le général Bagration avait placé 3 bataillons dans les villages de Kruch et d’Holublitz et les hauteurs […] étaient armées d’une artillerie formidable. Une nuée de Cosaques masquait les dispositions de la cavalerie ennemie. Les Cosaques se dissipent et au même instant l’artillerie de position vomit un feu terrible sur la cavalerie légère du général Kellermann que le général Essen charge aussitôt avec les Uhlans de la garde impériale. Les chasseurs passent dans les intervalles de l’infanterie, les Uhlans les suivent jusqu’aux batteries et essuient à bout portant le feu de la mousqueterie de la division Caffarelli : plusieurs charges se répètent avec le même succès. L’infanterie inébranlable fournit toujours un feu nourri. Les régiments des généraux Kellermann et Walter prennent huit pièces de canon en renversent tout ce qui veut leur résister. Le colonel Corbineau prend un drapeau au milieu d’un bataillon russe. Le général Sébastiani attaque l’ennemi en flanc et le force à fuir en désordre.

Pendant ce temps, le maréchal Lannes fait attaquer le village de Porositz par le 13e régiment d’infanterie légère soutenu par le 17e de ligne. La division Suchet marche à l’infanterie du Prince Bagration dont l’extrémité droite dirige d’inutiles attaques sur le Santon où elles sont constamment repoussées par le général Claparède et le 17e d’infanterie légère.

09H00 : les hauteurs de Telnitz et son brouillard

Cependant, la gauche de l’ennemi continuait ses attaques. Le général Stutterheim à la tête de quelques bataillons autrichiens avait d’abord emporté la hauteur près de Telnitz. La 1re colonne russe qui suivait l’avant-garde autrichienne attaqua vivement le village de Telnitz. Les tirailleurs du Pô et le 3e régiment profitant des vignes, des fossés, des maisons et suppléant au nombre par le courage, résistèrent longtemps mais durent céder au nombre. Ils se replièrent derrière Sokolnitz. L’ennemi se pointait déjà en avant du village, lorsque le maréchal Davout arrivant de Rayern à 9 heures avec la division Friant et les dragons du général Bourcier, marcha à l’ennemi et reprit le village de Telnitz. Les rues et les maisons furent jonchés de morts, 5 pièces de canon prises, on fut obligé d’en abandonner 2, faute de chevaux pour les ramener. Le 108e qui fut presque toujours mêlé avec l’ennemi, lui enleva deux drapeaux. Les Russes culbutés, épouvantés et dans le plus grand désordre étaient déjà sur le point de mettre bas les armes et parlementaient déjà, lorsque le 26e régiment d’infanterie légère qui faisait partie de la division Legrand, formée sur la gauche et en arrière de Sokolnitz, vint se placer derrière le ruisseau en avant duquel combattait le 108e régiment. Le brouillard ne lui permettant pas de reconnaître nos troupes, ce régiment engagea un feu très vif qui fit beaucoup souffrir la brigade du général Heurdelet. Les Russes reprirent alors les armes tandis que d’autres se déployèrent sur plusieurs lignes sur la hauteur de Telnitz, y établirent des batteries et s’empareront de nouveau du village de Telnitz. Ils l’occupèrent par quelques bataillons, firent passer la cavalerie du général Kienmayer en avant du défilé, et attendirent pour se poster en avant que la communication fut bien établie avec la 2e et la 3e colonne et sans doute aussi l’issue du combat sur les hauteurs de Pratzen.

10H00 : le village de Sokolnitz

Il était 10 heures. Depuis près de deux heures, les 2e et 3e colonne attaquaient avec vigueur le village de Sokolnitz. Leur attaque était protégée par une batterie de 12 pièces de canon. Le général Margaron place ses 6 pièces d’artillerie légère dans une bonne position. Il s’établit une canonnade vigoureuse qui atteint le village. La brigade du général Legrand, accablée par les 2e et 3e colonne russes, fut enfin obligée d’évacuer le village et de se retirer sur les hauteurs en arrière. L’ennemi se déployait et manœuvrait pour couper la communication du général Friant et du général Legrand. Alors le maréchal Davout laisse le général Bourcier avec sa cavalerie pour contenir l’ennemi devant Telnitz et marche avec les cinq régiments du général Friant sur Sokolnitz. Le général Margaron charge l’ennemi avec sa cavalerie pendant que le général Lochet à la tête du 48e marche à l’ennemi secondé par la brigade Kister et le 14e. L’ennemi retourné, culbuté est poursuivi jusque dans le village qu’il abandonne. Le 48e s’empare de 2 drapeaux et 6 pièces de canon. Mais l’ennemi, auquel son immense supériorité permettait de renouveler son centre, attaque avec des nouvelles troupes, parvint à repousser le 111e qui tenait la gauche du village de Sokolnitz. Le 48e fut alors livré à lui-même ; pendant près de 3/4 h, le général Lochet resté avec le 48e soutint le combat dans les rues, dans les granges et dans les maisons. Pour dégager le régiment, le général Friant se porte sur Sokolnitz avec la brigade du général Kister et parvient à repousser un moment l’ennemi. Il jette aussitôt dans le village le 15e régiment d’infanterie légère. Ce régiment composé en grande partie de conscrits s’y couvrit de gloire, mais ne peut encore débarrasser le 48e. Il fut repoussé ainsi que le 33e après la plus vive résistance. Cette brigade fut aussitôt ralliée et ramenée au combat. L’ennemi se porte alors sur la brigade du général Kister qu’il déborde par sa gauche, mais le général Friant fit faire très à propos un changement de front au 33e régiment. Ses 3 brigades parfaitement ralliées se précipitèrent sur l’ennemi qui, cette fois, fut capturé et laissa la plaine couverte de ses morts.

Les hauteurs de Pratzen

Cependant, le centre de l’ennemi renouvella ses efforts pour reprendre le plateau de Pratzen qu’occupaient les 10e, 14e, 36 et 43e régiments. La queue de la 3e colonne commandée par le général Kamenski qui se trouvait à portée, avait fait front et menaçait la droite du général St Hilaire. Les deux régiments russes Fanogorcy, grenadiers et Raschsky égarés de la 2e colonne s’étaient joints au général Kamenski et aux brigades autrichiennes Jurzek [Jurcik] et Rottermund. Une vingtaine de bataillons occupant une ligne très étendue à la naissance des revers tombant sur Augzed et Hosteriadek s’avancent avec une nombreuse artillerie pour envelopper ces 3 régiments. La droite de cette ligne, à l’aide d’une supercherie, arrive jusqu’à 30 pas, sans essuyer de feu. Deux officiers russes avaient crié, en se portant en avant : « ne tirez pas, nous sommes Bavarois ». Dès que cette ruse est reconnue, les deux bataillons du 36e, un bataillon du 14e et un autre du 10e fondent avec fureur sur cette partie de la ligne, la culbutent et la dispersent. Le général St Hilaire est blessé et le colonel Mazas est tué. Le reste de cette ligne continuait son mouvement, le second bataillon du 10e s’avance et est repoussé, 3 de nos bataillons allaient se trouver aux prises avec 15 bataillons ennemis, quand le général Levasseur, resté en réserve en avant de Kobelnitz, s’élance avec sa brigade sur le flanc gauche de cette colonne, tandis que le général Morand avec le 1er bataillon du 14e et les 2 bataillons du 10e charge l’ennemi de front, le culbute et le précipite dans les ravins d’Augzed et de Nuslé. Dans ce moment, la queue de la colonne qui attaquait Sokolnitz suit le mouvement du général Levasseur, mais elle est contenue par l’artillerie que commandait sur la hauteur le chef de bataillon Fontenay et ensuite culbutée elle-même. Le général St Hilaire reste enfin maître du plateau.

Pendant ce temps, le général Vandamme, avec sa division et le général Varé avec la 55e achevaient de chasser l’ennemi de ses positions, lui enlevait son artillerie et le jetait dans les bas-fond de Klein Hosteriadek. Le prince de Lichstentein accourut avec une partie de sa cavalerie pour couvrir la retraite de la 4e colonne dont les débris se retirèrent sur Satschan et nous abandonnèrent entièrement les hauteurs de Pratzen.

Les hauteurs de Blassowitz et de Krugg

À la gauche, le village de Blasowitz avait été emporté après une vive résistance ; pendant que le 17e emmenait les 1 200 prisonniers faits au village, un corps de cavalerie ennemie débouchait sur le flanc droit du 17e ; le général Debilly fait aussitôt former en bataillon carré le 61e placé en seconde ligne derrière le 17e ; ce mouvement est exécuté avec tant de rapidité, que la cavalerie ennemie se trouve engagée entre ces 2 régiments et écrasée par leur feu réuni. Cette cavalerie dans la confusion causée par sa défaite, s’efforçant de se frayer un passage, sabre les Autrichiens qu’elle en reconnaît plus. Le Prince Murat ne peut croire qu’elle est russe ; en voyant ce combat, il la prend pour un corps bavarois, fait cesser le feu ; mais bientôt il s’aperçoit de l’erreur, il fait avancer la 1ère division de grosse cavalerie aux ordres du général Nansouty, et jamais on ne vit une charge plus brillante. Jaloux de soutenir leur ancienne réputation les carabiniers et les deux régiments de cuirassiers enfoncent les escadrons ennemis et les forcent de se replier sur leur seconde ligne. Les 2e et 3e de cuirassiers placés en seconde ligne se mettent alors en mouvement et rien ne peut résister à leurs charges successives. L’ennemi voit ses rangs éclaircis par le grand nombre de morts et de blessés qui sont sur les champs de bataille, il fuit en désordre en nus laissant entièrement maître des hauteurs de Blasowitz et de Krugg.

Pendant ce temps, l’infanterie du Prince Bagration, la gauche appuyée au village de Krugg et aux batteries formidables qui les flanquaient, avançait sa droite soutenue par les Cosaques, le maréchal Lannes fait faire à la division du général Suchet un changement de front, l’aile droite en avant ; tandis que la division Caffarelli secondant la belle charge des carabiniers marche à l’attaque du plateau et du village de Krugg, y prend 8 pièces de canon et 1500 hommes. Les cuirassiers du général d’Hautpoul les sabrent au même moment. Le général Valhubert a la cuisse emportée d’un boulet de canon, quatre soldats se présentent pour l’enlever :

« Souvenez-vous de l’ordre du jour, leur dit-il, d’une voix tonnere, et serrez vos rangs ; si vous revenez vainqueurs, on me relèvera après la bataille, si vous êtes vaincus, je n’attache plus de prix à la vie. »

Mort du général Valhubert par Jean-François Pierre Peyron – Versailles

12H00 : les hauteurs de Rauswitz et d’Austerlitz

Les Russes rompus d’abord, puis pelotonnés, serrés, hérissés de lances, présentent l’aspect des phalanges de l’antiquité, mais ne peuvent arrêter nos intrépides bataillons, qui se portent contre eux au pas de charge. Les cuirassiers s’élancent de nouveau sur l’ennemi, jonchent le champ de bataille de morts et de blessés, font trois mille prisonniers et enlèvent 20 pièces de canon. L’ennemi est culbuté dans les ravins de Silwitz et derriere Krugg, et va se rallier sur les hauteurs de Rauswitz et d’Austerlitz. Il était midi. Il était midi déjà.

Le maréchal Bernadotte avait occupé la position du centre. La division Rivaud était sur la hauteur reprise, la division Drouot manoeuvrait sur la gauche. L’Empereur avec son fidèle compagnon de guerre le maréchal Berthier, son premier aide de camp le général Junot et tout son État major se trouvait en réserve avec les dix bataillons de la Garde et les dix bataillons de grenadiers du général Oudinot dont le général Duroc commandait une partie. Cette réserve était rayée sur deux lignes en colonnes par bataillon à distance du développement, ayant dans les intervalles 40 pièces de canon servies par les canonniers de la Garde. C’est avec cette réserve que l’Empereur avait le projet de se précipiter partout où il serait nécessaire on peut dire que cette réserve seule valait une armée.

À peine ce renfort était arrivé au centre, que l’Empereur avait fait marcher le général Vandamme pour appuyer le général St Hilaire, qu’il avait déjà fait rentrer deux divisons de dragons. Le maréchal Bessières détache deux escadrons des chasseurs de la Garde et les Mameluks pour dégager le bataillon du 4e et les fait soutenir par deux escadrons de grenadiers commandés par le colonel d’Hallemone [?]. Il envoie sur sa droite pour contenir une colonne de 14 escadrons qui débouchaient sur son flanc, le général Ordonner avec 3 escadrons soutenus à droite par l’escadron du Prince Borghese en échelons et à gauche par l’artillerie de la Garde. Les 2 escadrons de la Garde dégagent le bataillon du 4e mettent en désordre la cavalerie ennemie, la renversant sur l’infanterie qu’ils sabrent aussitôt ; mais bientôt accablés par le nombre, ils se rallient entre la division Drouet et les deux escadrons de réserve. La division Drouet engage un feu très vif de mousqueterie avec la Garde Russe, bientôt l’infanterie marche au pas de charge, les grenadiers et les chasseurs de la garde chargent l’ennemi ; en un instant, le champ de bataille est couvert de morts et de blessés. Vainement le Prince Repnin avec ses chevaliers de la Garde pour rétablir l’affaire, il est lui-même blessé, fait prisonnier ; infanterie et cavalerie fuient pêle-mêle et repassent dans le plus grand désordre le ruisseau de Krzenowitz. Le 27e régiment entre avec l’ennemi dans le village et s’en rend maître. Le Prince Repnin, un grand nombre d’officiers de distinction, 800 prisonniers et 14 pièces de canon restent en notre pouvoir. […] Couvert de son sang et de celui de l’ennemi, le général Rapp vient donner à l’Empereur les détails de cette action et lui présente le Prince Repnin, commandant les chevaliers de la Garde Impériale de Russie et quelques uns des prisonniers les plus distingués.

L’un d’eux, officier d’artillerie, se jette au devant de son cheval et invoque la mort : “Je suis indigne de vivre” s’écrit-il ;

“J’ai perdu mes canons jeune homme” lui répond avec bonté l’Empereur, “j’estime vos regrets, mais pour avoir été vaincu, on ne cesse pas d’être au nombre des braves”. […]

Ainsi, une seule charge de la garde Impériale et la fusillade de la division Drouot rendirent inutile cette tentative de l’ennemi qui était sa seule ressource ; dans la situation de la journée et la position qu’occupait le maréchal Bernadotte et la réserve, les ennemis n’auraient pas rouvert la communication avec leur gauche quand ils auraient eu un corps de 40 000 hommes frais. Dès ce moment, l’ennemi n’eut plus aucune espérance, ne tenta plus aucune attaque décisive, le feu se soutint cependant encore plusieurs heures à l’extrémité de la gauche de l’ennemi. Ce corps cerné de tous côtés dans les bas fonds se battaient pour disputer leur vie ou chercher une retraite, mais ils ne se battaient plus pour la victoire. Jamais plus belle armée, jamais plus belle journée en fut décidée en moins de temps.

13H00 : Telnitz et Sokolnitz

On se battit le reste du jour, mais on peut appeler les divers combats qui eurent lieu, des combats particuliers de brigade à brigade, de régiment contre régiment. C’était de braves troupes qui ne voulaient point céder sans se battre, mais depuis longtemps la victoire était décidée. Il était à peine une heure, et déjà le combat avait cessé au centre et à la gauche, toutes les hauteurs de la poste et de Pratzen étaient en notre pouvoir. Positions, bagages, artillerie et bon nombre de prisonniers ; les villages de Telnitz et Sokolnitz étaient à l’ennemi. La victoire décidée depuis longtemps n’avait pas été un moment douteuse.

Pas un homme de la réserve n’avait été nécessaire et n’avait donné nulle part. Pas un corps n’avait fait un mouvement rétrograde, aussi l’Empereur disait-il :

« J’ai donné trente batailles comme celle-ci, mais je n’en ai vu aucune, les destins si peu balancés ».

La garde à pied de l’Empereur n’avait pu donner, elle en pleurait de rage. Comme elle demandait absolument à faire quelque chose : « Réjouissez-vous, lui dit l’Empereur, vous devez donner en réserve, tant mieux si on n’a pas besoin de vous aujourd’hui. »

Les 2 colonnes qui se trouvaient sur Sokolnitz, voulurent suivre leur premier projet, et de se porter sur Brunn par Shlapanitz et Turas. Ces diverses colonnes furent successivement faites prisonnières. Une colonne ennemie de trois mille hommes, ayant à sa tête 3 généraux, avait débouché de Sokolnitz et dépassé la gauche du général Legrand. La cavalerie légère du 4e corps d’armée apperçoit cette colonne ; le colonel Franceski venait d’arriver avec le 8e d’hussards après avoir fait une marche forcée pour se trouver à la bataille ; il charge de front sans prendre haleine, et saisissant le général qui commandait cette ligne, il le somme de se rendre avec sa troupe ; tous à l’instant mettent bas les armes. Les 11e et 26e de chasseurs avaient manoeuvrés pour prendre cette colonne en flanc ; mais le 8e d’hussards les prévint contre toute attente et à leur arrivée tout se trouvait terminé.

L’ennemi tenait toujours dans le château et le parc de Sokolnitz. […] Le général Vandamme avait rejoint le général St Hilaire et tout le corps d’armée du maréchal Soult était réuni sur les hauteurs de Pratzen, excepté la brigade du général Merle, qui combattait avec la division Friant de l’autre côté de Telnitz. Le maréchal Soult fait alors descendre sur le mamelon St Antoine, la division St Hilaire et envoie un bataillon du 28e sur la route d’Angrad […] pour intercepter cette retraite de l’ennemi. La 1ère colonne, renforcée des débris des 2e et 3e colonnes était formée dans les vignes, au bas d’Angreld et en avant de Sokolnitz, elle couvrait une partie des parcs d’artillerie de l’armée et voulut charger la division St Hilaire ; elle gravissait déjà le côteau, quand la division Vandamme arrivait. Le général Ferey marche aussitôt à sa rencontre ; en même temps les généraux St Hilaire et Levasseur descendent sur cette ligne qui fait d’abord un mouvement sur Kobelnitz et bientôt par la droite effectue sa retraite sur Telnitz, où elle est complettement battue.

Cependant, l’Empereur aussitôt après la déroute de la Garde Russe avait laissé le corps du maréchal Bernadotte en position sur les hauteurs de Kpnovitz et faisant avancer à grands pas la division des grenadiers et sa garde pour terminer le combat à la droite, le seul point où l’ennemi se défendit encore. Son opiniatreté à Telnitz et Sokolnitz assurait sa perte.

14H00 : Kobolnitz

Il était 2 heures lorsque l’Empereur arriva avec sa garde et la réserve des grenadiers sur les hauteurs au dessus d’Angrad. Il laisse les grenadiers Oudinot sur les hauteurs de Pratzen, occupe avec sa garde la hauteur St Antoine, fait marcher le corps du Maréchal Soult pour achever de détruite l’aile gauche de l’ennemi et le fait soutenir par la cavalerie et la moitié de l’infanterie de sa garde. Il envoie le maréchal Duroc avec ses grenadiers du côté de Kobolnitz pour couper toute retraite à l’ennemi.

En ordonnant au maréchal Berthier de se rendre à la droite, il lui dit :

« Voyez ce que c’est encore que cette canonnade et ce feu de mousqueterie et que cela finisse ».

Le maréchal arrive près de Kobolnitz, au moment où le général St Hilaire ordonnait au général Thiebaut d’attaquer le château avec le 36e ; pendant ce temps, le 14e tournait le village par la gauche et le général Morand avec le 10e d’infanterie légère et le 43e de ligne se portait de l’autre côté du village par la digue des étangs de droite, pour couper toute retraite à l’ennemi. Le général Thiébaut venait d’être blessé. Le général St Hilaire oubliant qu’il l’était aussi depuis le commencement de l’action se trouvait à la tête de l’attaque. Fort de sa position, l’ennemi défend le château avec opiniatreté ; mais il cède enfin à la valeur du 36e qui poursuivant ses succès, malgré la perte considérable qu’il vient d’essuyer, va se réunir au 33e et au 111e placés pour contenir l’ennemi à la droite du village : ces trois régiments le chargent en même temps, l’enfoncent et le taille en pièces. En un instant, la plaine est jonchée de morts et de blessés, le carnage semble redoubler la fureur et 5000 hommes sont égorgés ou pris, dans ces défilés. L’artillerie et les caissons tombent en notre pouvoir. Le général Wimpfen se rend à un détachement commandé par le lieutenant Sopranni. Le général Legrand, placé pendant toute la journée à un poste très difficile, avait par son sang froid, sa valeur et ses manoeuvres, obligé une colonne de 1200 hommes, qui avait déjà atteint Kobolnitz, à se jetter dans les marais, où elle fut noyée en grande partie, le reste en cherchant à gagner Shlapanitz fut enlevé. La brigade de grenadiers […] sous les ordres du général Duroc arrivait sur le ruisseau ; elle y manœuvre de manière à serrer et à tourner un corps de cinq mille hommes qui poursuivaient le 10e d’infanterie légère et le 43e commandés par le général Morand, elle lui fit rendre les armes. Les troupes qui avaient été dirigées sur la droite devenant alors en partie inutiles, la brigade Fercy reçut ordre de se porter rapidement à la gauche, pour seconder l’attaque que dirigeait le général Vandamme sur les hauteurs entre Angzed et Telnitz. L’ennemi venait d’y réunir le reste de ses forces tant en cavalerie qu’en infanterie et avait pour les soutenir un parc de 36 pièces de canon, qui vomissaient, depuis une demi-heure, le feu le plus terrible.

Les étangs glacés d’Angrad et Menitz

Au même moment, l’Empereur envoie quelques escadrons et l’artillerie de la garde sur le flanc droit de l’ennemi, pour le resserrer entre les étangs. L’ennemi veut hâter sa retraite, mais il ne lui restait que la digue entre les lacs pour l’effectuer. L’armée française, appuyée aux lacs par ses deux ailes près Angrad et Menitz, était maîtresse de tous les débouchés et l’ennemi cerné de toutes parts, présente bientôt un horrible spectacle. Il espère se sauver dans les étangs glacés. Plusieurs milliers d’hommes, 36 pièces de canon, une grande quantité de charretiers ; des caissons, des chevaux, s’engagent sur la glace des étangs. Les 24 pièces d’artillerie de la Garde brisent la glace et vomissent la mort. Des colonnes entières sont englouties. Du milieu des lacs immenses, s’élèvent des cris des milliers d’hommes qu’on ne peut secourir. Ce qui se trouvait le plus près de la digue défend ce passage aux désespérés, place ce qui lui restait d’artillerie sur la hauteur qui couvre la tête de la digue ; la cavalerie du général Kirchenmeyer la soutient pour donner le temps à l’infanterie de se rallier. Le général Gardanne, aide de camp de l’Empereur, fait plusieurs charges avec une division de dragons déjà fatiguée du service de la nuit et des combats de la journée. Dans un mouvement rétrograde, lorsque la cavalerie ennemie s’avançait à sa poursuite, le chef d’escadron Dejean, avec 6 pièces d’artillerie de la Garde, chargée à mitraille rompt les escadrons ennemis. Les trois divisions du maréchal Soult arrivent bientôt et s’avancent au pas de charge ; la cavalerie autrichienne veut arrêter leur marche, mais deux escadrons de la garde réunis aux dragons la culbutent. La hauteur et l’artillerie qui la défendait, dernier espoir de l’ennemi, sont emportées et garnie de notre artillerie ; les débris de l’armée se jettent dans les étangs ou fuient vers Menitz. Déjà occupés par le général Friant, sans ressource, sans retraite, foudroyés par l’artillerie de la Garde, ces malheureux saisis d’épouvante se jettent dans les glaces et presque tous y trouvèrent la mort. Le soleil achevait alors la carrière et ses derniers rayons réfléchis par la glace vinrent éclairer cette scène d’horreur et de désespoir. Tel on avait vu, dans la journée d’Aboukir, dix huit mille Turcs poursuivis par le vainqueur, se jetter à la mer et s’y engloutir. Il ne restait plus que quelques débris échappés par les digues.

L’Empereur, toujours infatigable, aussi ardent à compléter la défaite qu’à fixer la victoire, ordonne au général Junot, son aide de camp, arrivant de Lisbonne, de poursuivre l’ennemi à la tête d’une division de dragons, tandis que deux escadrons de la Garde […] tournaient les étangs au-dessus de Menitz ; on fit encore 2000 prisonniers, on prit plusieurs drapeaux et 11 pièces de canon, et le reste ne dut son salut qu’à la nuit.

Bilan

L’ennemi perdit dans cette journée 8000 hommes tués, 15000 blessés, 23000 prisonniers dont les 273 officiers, 10 colonels et 8 généraux, 180 pièces de canon dont 143 Russes, 150 caissons, enfin plus de 50 drapeaux.

L’armée française eut 1500 hommes tués sur le champ de bataille, 4000 blessés dont 9 officiers généraux ; elle perdit si peu de prisonniers que l’ennemi ne jugeant pas à propos de les garder les renvoya le lendemain.

Le général Valhubert, mort des suites de sa blessure, écrivit à l’Empereur une heure avant de mourir :

« J’aurai voulu faire plus pour vous. Je meurs dans une heure. Je ne regrette pas la vie, parce que j’ai participé à une victoire qui vous assure un règne heureux. Quand vous penserez aux braves qui vous étaient dévoués, pensez à ma mémoire. Il me suffit de vous dire que j’ai une famille, je n’ai pas besoin de vous la recommander. »

Le général St Hilaire, blessé au commencement de l’action, resta toute la journée sur le champ de bataille et se couvrit de gloire. Les Généraux de division Kellermann et Walter, les généraux de brigade Thiebaut, Sébastiani, Dumont, Marilli, Compars et Rapp, aide de camp de l’Empereur furent blessés. C’est ce dernier qui en chargeant à la tête des grenadiers de la Garde a pris le Prince Repnin, commandant les chevaliers de la garde impériale de Russie. La Garde eut à regretter le colonel des Chasseurs à cheval Morland, tué d’un coup de mitraille en chargeant l’artillerie de la Garde impériale Russe. Le Colonel Mazas du 14e de ligne fut tué, ainsi que le chef d’escadron Chaloppin, aide-de-camp du maréchal Bernadotte ; plusieurs colonels et chefs de bataillon furent blessés. Le colonel Corbineau, écuyer de l’Impératrice, commandant le 5e régiment de chasseurs à cheval eut 4 chevaux tués ; au 5e, il fut blessé lui-même en enlevant un drapeau. Le général Friant eut 4 chevaux tués sous lui. Les colonels Couroux et Dumoutier se firent remarquer.

Un carabinier du 10e d’infanterie légère a le bras gauche emporté par un boulet de canon :

« Aide-moi, dit-il à son camarade, à ôter mon sac et cours me venger. »

Il met ensuite son sac sur le bras droit et marche vers l’ambulance. Le général Thiebaut, dangereusement blessé, était transporté par quatre prisonniers russes ; six Français blessés l’aperçoivent, chassent les Russes et saisissent le brancard en disant :

« C’est à nous seuls qu’appartient l’honneur de porter un général français ».

Les traits de courage furent si nombreux qu’au moment où le rapport s’en faisait à l’Empereur, il dit :

« Il me faut toute ma puissance pour récompenser dignement tous ces braves gens. ».

Plusieurs colonels et chefs de bataillons furent blessés. Les colonels Lacour du 5e régt de dragons, Digeon, du 26e de chasseurs, Bessières du 11e de chasseurs, frère du maréchal Bessières, Gérard, colonel aide-de-camp du maréchal Bernadotte, Marès, colonel aide-de-camp du maréchal Davout. Les chefs de bataillon Perrier du 36e régiment d’infanterie de ligne ; Guye du 4e de ligne ; les chefs d’escadron Grumblot du 4e régiment de carabiniers, Didelot du 9e de dragons, Boudichon du 4e de hussards, le chef de bataillon du génie Cebrissot, Babier et Mobillard du 55e de ligne, Proffit du 43e et les chefs d’escadrons Trévillé, du 26e de chasseurs et David du 2e de hussards. […] Le capitaine Tervé des chasseurs à cheval de la Garde est mort des suites de ses blessures. Le capitaine Geiss, les lieutenants Bureau, Barbanegre, Guyot, Fournier, Bayeux, et Bruno des Chasseurs à cheval de la Garde et les lieutenants Menager et Rollet des grenadiers à cheval de la Garde furent blessés. Les voltigeurs rivalisèrent avec les grenadiers : on citerait les 55e, le 43e, le 14e, le 36e, les 40e, le 117e et les bataillons de tirailleurs Corses et du Pô, si l’on pouvait nommer quelques corps ; mais ce serait une injustice pour les autres, tous ont fait l’impossible : il n’y avait pas un officier, pas un général, pas un soldat qui ne fut décidé à vaincre ou à périr. La cavalerie française se montra supérieure et fut parfaitement bien. Les soldats du train méritent les éloges de l’armée. L’artillerie fit un mal épouvantable à l’ennemi.

Quand on en rendit compte à l’Empereur, il a dit :

« Ces succès me font plaisir, car je n’oublie pas que c’est dans ce corps que j’ai commencé ma carrière militaire. »

La couronne de triomphateurs

Ainsi éclata ce coup de foudre si souvent prédit par l’Empereur pour la fin de cette immortelle campagne. Ainsi finit cette journée mémorable, que le soldat se plaît à nommer la journée de l’anniversaire que d’autres ont appelée LA JOURNÉE DES TROIS EMPEREURS, CE QUE NAPOLÉON A DÉSIGNÉ SOUS LE NOM DE BATAILLE D’AUSTERLITZ.

C’est aux confins de la Hongrie, de la Pologne, de la Silésie, de la Bohême, dans ces champs de la Moravie où aux deux extrémités du monde, se trouvaient réunis les sauvages de Kamtchatka et l’habitant du Finistère, que la destinée avait remarqué les termes de cette supériorité de l’infanterie Russe trop longtemps et trop facilement établie  ; de ce prestige d’une puissance militaire née subitement dans le siècle dernier de cette influence politique usurpée sur l’Europe et désormais renfermée dans les bornes fixées par l’intérêt du peuple et de la civilisation  ; c’est là que l’armée française, l’anniversaire du jour où la France reconnaissante avait décerné à Napoléon le diadème Impérial ceignit son auguste front de la couronne de triomphateurs.

Mouvements jusqu’à l’armistice

La revue de l’Empereur

Le soir de la journée et pendant plusieurs heures de la nuit, l’Empereur parcourut les champs de bataille et fit enlever les blessés : spectacle horrible s’il en fut jamais. L’Empereur, monté sur des chevaux très vifs, passait avec la rapidité de l’éclair et rien n’était plus touchant que de voir ces braves gens le reconnaître sur le champ. Ils en oubliaient leurs souffrances et disaient : « Au moins la victoire, est-elle bien assurée ? »

Les autres :

« Je souffre depuis huit heures et depuis le commencement de la bataille, je suis abandonné mais j’ai bien fait mon devoir ».

D’autres : « Vous devez être content de vos soldats aujourd’hui ».

À chaque soldat blessé, l’Empereur laissait un garde qui le faisait transporter dans les ambulances.

Il est horrible de le dire, 48 heures après la bataille, il y avait encore un grand nombre de Russes qu’on n’avait pû panser. Tous les Français le furent avant la nuit. Rien n’égalait la gaîté des soldats français à leur bivouac. À peine apercevaient-ils un officier de l’Empereur qu’ils lui criaient : « L’Empereur est-il content de nous ? ».

Le soir, l’armée française prit position sur le champ de bataille. Le corps du maréchal Lannes en avant […] L’avant-garde du Prince Murat à Bauswitz. Le corps du maréchal Bernadotte sur les hauteurs de Krzenowitz, la garde et la réserve sur les hauteurs […]. L’Empereur établit son quartier général à l’auberge près la poste.

La conférence des perdants

Les débris de l’armée Russe passèrent la nuit la plus affreuse. La journée de la veille, celle de la bataille qui avait été superbe, avait tout à coup été remplacée par un brouillard qui, vers minuit, se fondit en neige et en eau, et rendit les chemins très mauvais.

Les deux Empereurs avaient quitté Austerlitz, ils s’étaient postés sur la route de Hongrie, mais ils ne se dissimuleront point qu’ils étaient séparés de leurs bagages, de leurs hôpitaux, qu’ils avaient perdus leur ligne d’opération qu’ils prêtaient le flanc à l’armée impériale et qu’elle serait arrivée avant eux à Holitch et Goeding. Ils n’avaient même plus d’armée, ce n’était qu’un amas confus de fuyards d’hommes sans armes, sans fusils, sans qu’il y avait un armistice, que les deux Empereurs étaient en conférence.

Le maréchal Davout suspendait toute attaque, sur l’assurance que donna l’Empereur Alexandre qui écrivit de sa propre main que les deux Empereurs étaient en conférence pour tout terminer. Pressée en queue par le corps du maréchal Bernadotte, sur son flanc gauche par le Prince Murat et prévenu à Goeding par le maréchal Davout et le maréchal Soult, l’armée Russe se trouva, le 13, enveloppée de manière à ne pouvoir plus faire de retraite.

L’armistice signé le 15 frimaire par le maréchal Berthier et le Prince Lichtenstein termina la campagne et permit aux débris de l’armée Russe de rejoindre leur frontière sur 3 colonnes, par marches d’étapes.


Source : Vente Arts & Autographes.

Récit de la bataille d’Austerlitz par son vainqueur. Manuscrit dicté par l’Empereur avec des corrections autographes de sa main.

Ensemble de 74 pages in-folio. Dossier rassemblant sous une chemise intitulée « Bataille d’Austerlitz » les pièces suivantes : — Plan de la bataille d’Austerlitz, sur papier calque. Dessin de la main du général Bertrand. 34,5 X 50 cm. — Manuscrit dicté par Napoléon au général Bertrand, corrigé par Gourgaud avec une remise au propre pour certaines pages par Marchand.

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