Cette cape, appellée Burnous de Napoléon, n’avait jamais été étudiée auparavant, comme le confirme notre correspondance de 2011 avec le conservateur du Département des Arts décoratifs du palais de Buckingham. Sa bibliographie était vierge, ce qui nous avait tous surpris à l’époque. La première investigation est donc la nôtre, publiée quelques années après, et exclusivement pour le soir du bicentenaire de Waterloo, le 18 juin 2015.
Cette rare et magnifique cape est pratiquement inconnue du public. Elle aurait appartenu à l’Empereur Napoléon 1er, et elle fait partie de la collection royale de la couronne d’Angleterre. Comment ce mystérieux « Burnous » a-t-il pu arriver là-bas ? Voyons voir…
DESCRIPTION
Ce burnous a une inspiration orientale et d’Afrique du Nord. C’est une cape de feutre couleur rouge avec une capuche pointue (« aqelmun ») ayant trois pompons au fil d’or (« helluṭa »). Le devant ouvert est relié sur la poitrine par une pièce brodée (« sder »). Sur le pourtour de l’aqelmun et du buste, on y observe des broderies au fil d’or en forme de trèfles et d’arabesques, ainsi que plusieurs pompons de soie (« tauskint »). Sur l’intérieur, il y a un brocart de soie jaune avec des roses brodées, et des formes géométriques au fil pourpre. Les termes entre parenthèses viennent du vocabulaire amazigh/berbère.
AU SOIR DE WATERLOO
D’après une lettre manuscrite du feld-maréchal prussien von Blücher, datée du 20 juin 1815, Napoléon était en voiture au soir de la bataille de Waterloo quand il fut surpris par l’avant-garde prussienne. Pour l’éviter, il abandonna sa voiture et s’enfuit à cheval. Blücher explique que le chapeau et l’épée de Napoléon avaient été trouvés à proximité. Immédiatement, ces deux objets ont été envoyés au prince régent d’Angleterre, le futur George IV.
Cependant, Blücher garda la voiture ainsi qu’un manteau et une longue vue trouvés à l’intérieur. Il précise que le manteau est un burnous étatique aux broderies magnifiques. Dans une autre lettre datée du 25 juin 1815 à son épouse, il le considère comme splendide. Et quelques semaines plus tard, il le présente au prince régent.
NOSTITZ
Malgré la rareté de la bibliographie de ce burnous, j’ai pu trouver un témoignage du comte Nostitz, l’aide de camp de Blücher. En 1852, après avoir assisté aux funérailles du duc de Wellington, il fut accueilli avec quelques invités au château de Windsor. Lorsqu’on lui montra le trône de Tipû Sâhib « Sultan du Mysore », dans l’arsenal du prince Consort, il dit : « Eh bien, voici le trône, mais où est le manteau de Napoléon ? »
Comme personne ne comprenait, il expliqua que Blücher avait envoyé le manteau de Napoléon au Prince Régent et que ce manteau était posé sur le trône du Tipu Sahib, cela combinait deux trophées symbolisant l’Orient et l’Occident. Les informations ne venant pas, le burnous semblait avoir été perdu. À son retour dans sa ville de Slough, un messager de Windsor lui apporta un manteau et lui demanda si c’était celui de Napoléon. Après une rapide inspection, le comte Nostitz dit : « Je suis entièrement satisfait, c’est le manteau des mamelucks ! Avant de l’envoyer en Angleterre, j’avais fait une marque dans l’un de ses coins. Regardons bien si cette marque y est. »
Selon l’histoire, la marque fut trouvée et le burnous de Napoléon avait été remis sur le trône de Tipu Sahib.
EXAMEN
Cependant, j’ai demandé une collaboration avec le département des arts décoratifs du Palais de Buckingham pour savoir si la marque de Nostitz figurait bien sur le burnous. Et la direction, après vérification, a indiqué qu’aucune marque spéciale n’avait été trouvée.
Le mystère reste donc entier… De quelle marque, Nostitz parlait-il ? Disait-il la vérité ? Ce burnous avait-il disparu ? Était-il posé sur le trône de Tipu Sahib ? L’absence de certaines sources historiques et notre examen soulèvent de nouvelles questions. Pourquoi Napoléon avait-il un burnous dans sa voiture durant la campagne de Belgique ? Que pensait-il en faire ? Devons-nous imaginer Napoléon portant ce burnous, après avoir gagné Waterloo (si cela avait été le cas) ?
Je remercie le Département des Arts décoratifs du Palais de Buckingham pour cette collaboration précieuse.
Nota de Loïck Bouvier : Le burnous symbolise le trophée du monde Occident, et le trône de Tipu Sahib symbolise le monde oriental. Le Royaume-Unis domine depuis Waterloo ces 2 mondes, au niveau commercial.
Soyons familier(s) : alors, là, je dis « Chapeau le Carré ».
Très belle découverte, et excellent « papier », très pointu sans être rébarbatif.
Belle enquête. Très séduisante également, la théorie émise par Loïck Bouvier.
De la « belle ouvrage ».
Cela posé, les amis, sans être (trop) être pessimiste, ne vous attendez pas à un quelconque satisfecit, voire à une modeste mention, de la part des « Autorités » (comme j’aime ce vocable pompeux !) dans leurs diverses publications.
Et vous savez ce qui arrive aux têtes qui dépassent sans avoir demandé la permission ? Alors prudence.
Bien amicalement à tous.
Jean-Claude Damamme
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