Avez-vous déjà vu ce graphique sur la campagne de Russie 1812 où l’on peut voir l’effectif de la Grande Armée en fonction du temps et de la situation géographique ?
Ce graphique s’intitule « Carte figurative des pertes en hommes de l’armée française dans la campagne de Russie 1812-1813 ». Cette « carte » a été dressée par M. Minard, inspecteur général des ponts et chaussées en retraite, à Paris, le 20 novembre 1869. Ce « retraité » s’était informé sur les ouvrages de Thiers, Ségur, Fesenzac, Chambray, et d’un « journal inédit de Jacob » un pharmacien (bougre d’extrait de cornichon).
C’est formidable ! Ce graphique synthétise, à lui seul, « toute l’horreur de la campagne de Russie ». On y devine les pertes que subit la Grande Armée au fur et à mesure qu’elle s’enfonce au cœur de la Russie. On a l’impression que tous les soldats ont suivi le même itinéraire, et même que les cadavres ont été laissés sur le chemin.
Mais le paradoxe est que l’effectif diminue beaucoup plus vite à l’aller, en été, qu’au retour, en « l’hiver » (l’automne en fait) !
Comment expliquer cela ?
C’est le raisonnement simpliste d’un auteur qui associe des éléments différents, dans des endroits différents, et à des moments différents. Bref, il a pondu un chef d’œuvre de la caricature.
Les informations primordiales ont été omises :
1 – Les unités laissées pour protéger les lignes de communication, les garnisons dans les grandes villes, les flancs contre les armées russes de Wittgenstein au nord et de Tchitchakoff au sud.
2 – Les milliers d’hommes laissés dans les hôpitaux à cause des marches, des maladies, des blessures, et qui après une convalescence, reprennent le combat à l’exemple des maréchaux Oudinot et Gouvion Saint-Cyr.
3 – Les déserteurs, même si on ne peut connaître le chiffre.
Déjà, pour montrer l’évolution de l’effectif de Napoléon depuis Moscou, il fallait prendre seulement les corps d’armée concernés.
Alors pourquoi l’auteur a-t-il pris « l’effectif total de la Grande Armée » ? Et pourquoi ne pas prendre l’effectif des corps d’armée qui ont franchi le Niémen le 23 juin, et même ceux entrés en Russie plus tard ?
Et bien, pour certains, c’est « plus extraordinaire » de dire à la foule que l’armée de Napoléon est passée de 600 000 à 10 000 hommes.
Vous vous rendez compte, tous ces morts ?
Quel « tyran sanguinaire » ce Napoléon ! D’ailleurs, on se souvient d’un « historien à la tiare » qui s’exclama ainsi pour résumer cette campagne de 6 mois : « Ils partirent 600 000, ils revinrent moins de 20 000 ». Et ses élèves, des « passionnés » de Napoléon, applaudirent…