Le 21 avril 1806, à Saint-Cloud, Napoléon demanda à la manufacture de Sèvres de fabriquer quatre guéridons destinés à glorifier les arts décoratifs et l’Histoire, dont le guéridon des Grands Commandants, appelé aussi guéridon des Guerriers illustres antiques.
DESCRIPTION
Le guéridon des Grands Commandants réunit les techniques les plus abouties de la manufacture de Sèvres au début du XIXe siècle.
La structure intérieure en bois de chêne supporte une surface plane de forme circulaire. Les sections de porcelaine ont été délicatement peintes par Louis-Bertin Parant et Antoine Béranger.
La monture de bronze finement ciselée et feuilletée à l’or fin a été réalisée par Pierre-Philippe Thomire.
L’élément le plus original est la surface plane, minutieusement décorée et peinte aux couleurs de sardoine.
Au centre, un camée circulaire représentant le visage de profil d’Alexandre le Grand. Ce camée est lui-même dans un cercle, dont le fond est divisé en trois parties et où sont représentées en peinture les scènes suivantes :
« Alexandre accueilli par les hauts dignitaires égyptiens au temple de Jupiter Ammon, la défaite de Darius et l’entrée du conquérant à Babylone ».
Autour de ces scènes, douze petits camées circulaires sur fond bleu, représentant les visages de profil des illustres commandants de l’antiquité, d’après des médailles fournies par Visconti, conservateur de la période antique au Louvre. Sous chaque camée, un petit rectangle représentant l’événement le plus marquant de ces hommes :
« Miltiade à la bataille de Marathon, Thémistocle et la construction de la flotte à Salamine, Hannibal traversant les Alpes, Mithridate et les Romains de Jules César, le conflit entre Jules César et Pompée, Trajan et le couronnement du roi des Parthes, Pompée et la reddition de Perpenna, Septime Sévère et la guerre des Parthes, Constantin et le combat du pont Milvius, Auguste et le sacrifice sur l’autel de la Paix, la continence de Scipion l’Africain, Périclès et la construction du Parthénon. »
Les cadres, les guirlandes de fruits et tous les petits ornements sont dorés, le pied est en porcelaine verte avec un bois des piques en platine, les pointes en bronze et les courroies en or brun.
HISTORIQUE
La manufacture de Sèvres reçut l’ordre de fabrication du guéridon des Grands Commandants, le 26 avril 1806, après l’approbation des croquis par Napoléon. Il a fallu six ans pour le réaliser et, le 20 mai 1812, il fut exposé au salon des ventes de la manufacture au prix de 35 000 francs de l’époque.
Il y resta jusqu’à la fin de l’année, puis revint étonnamment dans la réserve. Napoléon ne l’a jamais acheté et les archives de Sèvres ne mentionne rien à ce sujet.
C’est en 1817 que le marquis d’Osmond, ambassadeur français à Londres, suggéra au duc de Richelieu, ministre français des Affaires étrangères, d’offrir ce guéridon à titre exceptionnel à Son Altesse Royale le prince régent, titre officiel du futur George IV. L’ambassadeur avait appris que ce prince régent la convoitait depuis un certain temps. Louis XVIII approuva cette idée, et le 17 mars 1817, le comte de Pradel, Directeur Général de la Maison du Roi, envoya le guéridon au Ministère des Affaires Etrangères. Le 3 mai 1817, le marquis d’Osmond le présenta à Londres, au Carlton House, résidence du prince régent. Il fut exposé dans la salle de dessin de Rose satin, à l’étage principal.
Le guéridon des Grands Commandants resta avec le prince régent jusqu’à sa mort. Il l’adorait tellement qu’il est représenté sur ses portraits peints par Sir Thomas Lawrence, comme sur celui en tenue de sacre, sa main droite touchant légèrement le guéridon, un geste symbolisant la fierté du propriétaire et l’admiration de l’œuvre d’art. En fait, George IV l’a toujours considéré comme l’un des joyaux les plus précieux de sa collection.
Aujourd’hui, le guéridon appartient à la collection de Son Altesse Royale la Reine Elisabeth II, et il est exposé au palais de Buckingham. Il peut être vu en période estivale dans le salon bleu, situé après la salle à manger où il y a le portrait de George IV…
DÉTAILS TECHNIQUES
Dimensions : Une hauteur de 92,4 cm et un diamètre de 104 cm. Le dessus a une épaisseur de 1,1 cm, diamètre, 94,5 cm
Marques : Signé et daté en blanc sur noir, au centre de la surface plane, sous la tête d’Alexandre le Grand : LB Parant 1812 (Louis-Bertin Parant, peintre figuratif)
Peint sous la table, la scène représentant l’entrée d’Alexandre à Babylone, en or et vert : M RE P LE DE SEVRES
Au pochoir sur la partie inférieure du guéridon, en violet foncé : estampillage de la manufacture et la date (estampillé cinq fois) : M. Imp le / de Sevres / 1812
Sur le rebord de la surface plane, en brun : n°1
Peint sur le rebord de l’arbre en haut, en vert : D. 25 m rs 11 (Marque non identifiée, suivie de la date, le 25 mars (? 25 mai) 1811)
Peint sur le dessous de la surface plane, en vert : 5 10 me 11 (5 Décembre 1811?)
Sur la face inférieure du guéridon à son sommet, qui supporte la plaque de porcelaine, à l’encre noire : Haut
Remerciement spécial aux responsables du palais de Buckingham Palace pour leur aide.
SOURCES
Gwilt, J. 2009 French Porcelaine for English Palaces. Royal Collection Publications : London ; Lanne, S. 1934. « La Table des Grands Capitaines », Gazette des Beaux Arts, Tome 12, pp. 283-285 ; The French Porcelain Society, hiver 2007 ; The Royal Collection Trust, été 2011 ; Images : Royal collection Elisabeth II ; Voir le guéridon des Maréchaux