Guéridon des Palais Impériaux

Le guéridon des Palais Impériaux est le dernier des 6 guéridons commandés par Napoléon à la manufacture de Sèvres entre 1803 à 1811.

Sous l’Ancien Régime, les objets d’art sont considérés comme des prolongements du souverain, de sorte que décorer était une manière de vénérer le Roi. Napoléon savait l’importance de l’art en politique, et au lieu d’insister sur le sens divin du souverain, il souhaitait mettre plus en lumière les artisans, les matières employées et les faits historiques. En conséquence, la décoration d’objets de style Premier Empire, y compris ceux de la manufacture de Sèvres et ce guéridon en particulier, pouvait montrer les triomphes – parfois avec des références aux héros antiques, voir le guéridon des Grands Commandants -, mais également montrer les avantages du système politique et les scènes liées à la vie du souverain.

Le 31 décembre 1802, le Premier Consul écrit au citoyen Dominique Vivant-Denon, directeur général du Musée central des arts dit Musée Napoléon (futur musée du Louvre) :

1 – On désirerait faire, à la manufacture de Beauvais, un meuble qui pût être placé dans le cabinet de travail des Tuileries. On y ferait broder les principales plantes et animaux que l’on trouve en Égypte, quelques modèles d’architecture orientale, quelques minarets, les principaux cheiks et individus auxquels l’armée française a eu affaire, avec le costume qui leur est propre. Le citoyen Denon en ferait les dessins, et le ministre de l’intérieur commanderait l’ouvrage complet à Beauvais.

2 – On désirerait également plusieurs sujets de tableaux pour occuper la manufacture des Gobelins. Ces sujets devraient rappeler des souvenirs glorieux pour la nation.

3 – On désirerait également un projet pour faire faire un beau service de porcelaine, dont les dessins fussent également relatifs à des sujets qui intéressassent la gloire nationale.

4 – On désire aussi connaître quels sont les ordres qui ont été donnés pour frapper des médailles et faire faire des tableaux relatifs aux événements qui se sont passés depuis dix ans, et où en est ce travail.

LES 9 PALAIS DE NAPOLÉON

9 palais impériaux …

Le guéridon des palais impériaux a été commandé par Napoléon Ier en 1811, mais ne fut achevé qu’en 1817, deux ans après la défaite de Waterloo. D’après Alexandre Brongniart, administrateur de la Manufacture de Sèvres, le plateau circulaire en porcelaine représentait à l’origine les 9 palais liés à Napoléon 1er, et montrant des scènes de famille, de promenade, de chasse, dont 6 palais situés à Paris :

  • Le médaillon central représente le château des Tuileries, résidence principale de la famille impériale.
  • Les 5 autres médaillons représentent les châteaux de Saint-Cloud, Rambouillet, Compiègne, Fontainebleau et Trianon.
  • Les trois derniers médaillons représentaient les palais hors de France : 2 en Italie, Stupinigi à Turin et le Quirinale à Rome. Et le palais de Laeken, en Belgique, près de Bruxelles. (Remplacés par Versailles, Meudon, et Saint-germain.

Les peintures ont été réalisées par Jean-François Robert qui, en 1811, était au service de la sœur de Napoléon, Élisa, grande-duchesse de Toscane. En 1812, Robert visite les palais pour capturer plus de détails. En 1813, tous les palais sont peints et dessinés. Fin mars 1814, le projet du guéridon est suspendu à cause de l’échec de la bataille de France.

AUX MAINS DES BOURBONS

Vue sur le château des Tuileries, symboles bourbons

Le retour des Bourbons au pouvoir, en avril 1814 et en juillet 1815, signifie la destruction progressive de tout objet portant les effigies de la famille Bonaparte. Cela devient officiel, en novembre 1815 quand, selon David Skuy, le Ministère de Police, Élie Decazes, ordonna la destruction de tout ce qui rappelle la Révolution et l’Empire. Les fonctionnaires ont le droit de confisquer et ensuite détruire les objets, et même parfois de les brûler en public.

Mais revenons au guéridon, avec une information des Archives nationales à Paris : « Les palais du temps de l’Empire seront sauvegardés, mais les scènes de la vie ordinaire de l’Empereur Napoléon seront remplacées ». Indication claire que tout ce qui est en rapport avec Napoléon doit être effacé et remplacé par des scènes liées aux Bourbons. On apprend aussi que le palais de Laeken a été remplacé par le château de Marracq, près de Bayonne, lieu où avait été signé l’abdication de Charles IV d’Espagne en 1808 (château dévasté par un incendie en 1825. De nos jours, monument classé de Bayonne).

Le 1er avril 1815, M. Boullemier reprend les travaux du guéridon. Le 17 avril 1816, Robert repeint les médaillons, les châteaux de Versailles, Saint-Germain et de Meudon remplacent les trois palais purement napoléoniens : Stupinigi, Quirinale et Marracq. Tous les symboles du Premier Empire ont été remplacés : les aigles par le chiffre L doublé entrelacé, les armes impériales par les armes royales, trois fleurs de lys ; ajout de l’ordre de Saint Michel et de l’ordre du Saint Esprit ; des modifications sont faites sur les vêtements de quelques personnages des Tuileries. De là, le guéridon n’est plus appelé « guéridon des Palais Imperiaux » mais « guéridon des Palais Royaux »

Le 24 avril 1817, le guéridon est entré en salle des ventes à la manufacture de Sèvres. Sa restauration a coûté 25.370 francs, et son prix de vente affiché à 35.000 francs.

AUX MAINS D’UN ANONYME

En 1825, Charles X l’offre à François 1er, roi de Deux Siciles. Charles X était le beau-père de Marie-Caroline, fille aînée François 1er et qui avait épousé Charles-Ferdinand d’Artois, duc de Berry, en 1816. On le redécouvre plus de 150 ans après, à la gallerie Matthiesen de Londres… Probablement acquis par Francis Matthiesen, marchand d’art de Berlin et qui avait fui l’Allemagne nazie…

Il est vendu aux enchères en 2007 à New York chez Sotheby à un acheteur anonyme pour 6.210.000 $, un record pour la porcelaine de Sèvres.


CARACTÉRISTIQUES

Hauteur : 92 cm ; Diamètre : 103,5 cm ; Base : 57 cm ; Signé : Robert 1816 ; Bordure extérieure Inscrite dans Dorure : Manufacture royale de Sèvres, 1816.


Bibliographie :
Adams, S. 2007. «Porcelaine de Sèvres et de l’articulation de l’identité impériale de la France napoléonienne», Journal of Design History, vol 20, n. 3, pp 183-204

Skuy, D. 2003. L’assassinat, la politique et Miracles: la France et la réaction royaliste de 1820 « Presses universitaires McGill-Queen ‘s University: Québec

Sotheby ‘s (9e Novembre 2007) (Janvier 2012)