Parmi les thèmes abordés à l’occasion des cérémonies organisées pour commémorer le bicentenaire du décès de l’Empereur, plusieurs traitent des causes de sa mort et des « mystères » qui l’entourent. Les fidèles de ce blog connaissent bien une thèse qui est très activement, férocement devrais-je écrire, combattue, par la Fondation Napoléon : c’est celle d’un empoisonnement de Napoléon à l’arsenic. Évoquée par les « médias mainstream », elle le sera à la manière ordinaire : sarcasme, dénégation, intox sans preuve ni argument. La routine, à laquelle participe avec enthousiasme toute la bande de la Fondation. Ils ont tous répondu « présent », y compris M. Tulard que l’on n’avait pas vu depuis un long moment. L’exécution va être capitale !
Sur France TV
Ainsi le documentaire de France-Tv « Laissez vous guider, sur les pas de Napoléon » donne le « la » : on y entend le sympathique animateur Stephan Bern et son acolyte Laurent Deutsch, tous les deux royalistes grand teint, ce qui garantit une objectivité en béton comme affirmer que « les Anglais ne sont pour rien dans cette affaire ». Mais leur diction est si peu spontanée, si peu naturelle, qu’il est évident qu’ils récitent une leçon. Apprise de quel maître ?
Thierry Lentz a dû frémir de plaisir : LE message qu’il fallait faire passer a été délivré. Parler avec une impressionnante conviction de ce que l’on ne connaît pas est un authentique talent, qui ne s’acquiert qu’à la télévision. Stephan Bern a dit ! Et là, on se tait. (mais le documentaire diffusé le 13 avril 2021 semble ne plus être disponible…)
Sur Géo Magazine
Comme il fallait s’y attendre, la presse s’est mise de la partie. Dernière publication en date (5 mars 2021) : le prestigieux magazine « Géo », avec un article titré : « Mort de Napoléon – De rumeurs en rumeurs ». Un mot sur l’article. Il est conforme à ce que l’on peut attendre d’un texte fondé sur une interview du seul directeur de la Fondation Napoléon.
L’auteur(e), Mme Pauline Boulet, n’oublie évidemment pas de qualifier Napoléon d’empereur « déchu », la petite touche sordide bien connue à laquelle les médias de toutes sortes sont très attachés. C’est effectivement plus évocateur que le sobre « ex-Empereur ». Et, surtout, c’est dans le sens du vent de la modernité historique. Il eût été dommage de s’en priver.
On y apprend également, c’est nouveau, que les Anglais et leurs Alliés ont « contraint » (sic) Napoléon à l’exil [très bien choisi, ce mot ; déportation, ça fait tache] suite à la « cuisante défaite » de Waterloo. Ne pas oublier non plus : « cuisante », la défaite !
Puis, sans chichis, Mme Boulet choisit son camp :
« Malgré ces nombreux diagnostics [!], une théorie continue d’agiter les conspirationnistes : celle de l’empoisonnement à l’arsenic ».
Conspirationnistes !
Voilà le mot infamant lâché, qui, d’emblée, ridiculise ceux qui souscrivent à cette théorie, qui, d’ailleurs, n’en est plus une puisqu’elle a été scientifiquement démontrée. Ce qui n’est pas le cas des calembredaines poussives prônées par M. Lentz et ses affidés.
Devant ce qui va être un carnage médiatique, il ne faut pas rater cette ultime occasion de sortir le rouleau compresseur, j’ai souhaité profiter de ce (triste) anniversaire pour évoquer la révoltante manipulation par laquelle la Fondation Napoléon, en la ridiculisant sans relâche, à réussi à faire en sorte que la thèse de l’empoisonnement de l’Empereur reste bien dissimulée au fond du caveau sous les habits habituels dont on la vêt. Leur description viendra plus bas. Pas question de la montrer au grand public telle qu’en elle-même dans sa vérité.
Aparté de Loïck Bouvier : Au fait, qui est donc l’auteur (rice) ? Sur Linkedin, on y lit ceci : « Journaliste pigiste en radio et presse écrite, je balade perpétuellement mon micro et mon carnet jaune dans les paysages des Alpes. Mes sujets de prédilection : montagne et sport, alimentation et gourmandises, femmes et féminismes. Ce que j’aime : raconter des histoires, m’appuyer sur le corps et l’humain pour dépeindre le monde d’aujourd’hui. En radio, je dispose de matériel professionnel et je maîtrise tournage, montage et mixage. Je suis toujours à la recherche de nouvelles collaborations ! » – Nul doute, avec une telle présentation, on ne peut qu’avoir une intégrité et un professionnalisme comme les journalistes d’antan. A-t-elle interviewé le professeur Pascal Kintz, un des meilleurs spécialistes au monde en toxicologie et qui a analysé à plusieurs reprises les cheveux de Napoléon ? Hélas non, pourtant le minimum. Madame Boulet a pris une seule version, celle du « frère » Thierry Lentz, considérée comme l’évangile selon saint Tulard : « Le médecin légiste réputé Philippe Charlier a repris toutes les études à zéro. La relecture des documents fracasse la thèse de l’intoxication ». Bienvenue dans le journalisme d’orfèvre.
Dictature
Mais pourquoi cette absence alors qu’elle n’est nullement une nouveauté ?
Parce que l’histoire du Premier Empire est prisonnière de la Fondation Napoléon, et que celle-ci, pour des raisons, disons « occultes », s’oppose obstinément à ce que l’on évoque ce sujet.
La doxa en vigueur est donc celle que nous connaissons bien : l’Empereur est décédé d’un cancer de l’estomac. Une certitude essentiellement fondée sur l’autopsie de l’Empereur, Stephane le dit, donc… par un médecin, qui… n’était pas vraiment médecin, mais prosecteur, c’est-à-dire un individu « chargé de préparer des cadavres légués à la science qui vont être l’objet d’une étude, souvent universitaire, dans le domaine de la médecine. »
Mentionnons tout de même ce passage, apparemment oublié, d’une préface écrite par M. Marcel Dunan, de l’Institut, pour présenter les « Cahiers de Sainte-Hélène, Janvier 1821-Mai 1821 » du Grand Maréchal Bertrand, compagnon de déportation de Napoléon à Sainte-Hélène.
Voici ce passage :
« Le docteur Guy Godlewski [il fut président du Souvenir Napoléonien] nie la nocivité du climat et écarte par des arguments tirés du développement des tissus graisseux, l’idée d’une affection cancéreuse… ».
À chacun de se faire une opinion.
Flash Back
Un petit retour en arrière ne sera pas inutile, car, n’en déplaise aux ricaneurs, tout avait plutôt bien commencé…
Après sa lecture, qualifiée « d’abusive » par Thierry Lentz (au fait, c’est quoi, une lecture abusive ?), des Mémoires de Marchand, le précurseur, Sten Forshufvud, un stomatologue suédois qui avait fait des études de toxicologie dans une université française (celui que Jean Tulard appelle « l’infortuné dentiste »), avait cru discerner dans les symptômes décrits par Marchand, le valet de Napoléon, les signes d’une intoxication arsenicale.
Voilà l’abus en question !
Après s’être procuré un cheveu de Napoléon auprès d’une personnalité incontestable du milieu napoléonien, bien connu de tous les enthousiastes de la période, le commandant Henry Lachouque, il avait confié la relique, pour analyse, au professeur Hamilton Smith, chef du Département de Médecine Légale à l’Université de Glasgow. En collaboration avec un laboratoire anglais de recherches nucléaires travaillant pour la Défense nationale, Hamilton Smith avait pu, par un « bombardement » neutronique, mettre en évidence la présence d’arsenic dans le cheveu.
Extrait de la lettre de Lachouque à Forshfvud le 8 octobre 1960 :
« Mon cher Docteur,
« J’ai lu et relu votre magnifique travail qui m’a naturellement fort intéressé. Permettez-moi d’abord de vous féliciter de votre patiente étude, de votre érudition, de votre sens critique, de votre fidélité aux textes.
« Tout ceci forme un ensemble remarquable de qualités sans lesquelles l’historien s’apparente au romancier historique. »
Après une série de conseils pour lui permettre de donner tout son poids à la thèse développée, Lachouque terminait ainsi :
« Il y aura quelques retouches à votre texte, mais c’est insignifiant. Je vois très bien ce qu’on peut faire et c’est très intéressant… »
Il fallait bien qu’il y eût du vraisemblable dans les déductions du Suédois, car on imagine difficilement un personnage aussi strict que l’était le commandant Lachouque écrivant ces lignes à un charlatan.
Et pourtant, Lachouque ne répondit pas à Forshufvud lorsque celui-ci lui demanda d’autres cheveux pour affiner ces premiers tests, et il ne lui donna plus aucune nouvelle. Sa brusque volte-face après avoir eu connaissance des résultats positifs de l’analyse est – théoriquement – inexplicable. En fait, dès qu’il eut fait part de cette découverte aux instances dirigeantes du « Souvenir Napoléonien », la Fondation n’existait pas encore, la consigne dut être passée de, surtout, ne rien faire. De ne rien dire. La campagne d’étouffement venait de débuter.
J’accuse !
Les organisateurs de ces journées mémorielles ont eu la bonne idée de me tenir au large, sinon j’aurais été contraint de révéler toutes les manigances, toutes les manipulations, toutes les malhonnêtetés et les mensonges éhontés dont les instances dirigeantes de la Fondation, son directeur en tête, se sont rendues coupables pour étouffer cette thèse qui dérange beaucoup de monde, et la dissimuler au grand public.
Ainsi, mis au « rebut », je ne risquais pas de gâcher la fête, car je n’existais pas. Ces gens pensent vraiment à tout !
Cela ne me désole que dans la mesure où j’ai été mis dans l’incapacité quasi totale de faire mieux connaître cette thèse au grand public. Ceci est développé plus bas.
Parce que la cause est juste, Émile Zola me pardonnera certainement de lui emprunter le titre de son article paru le 13 janvier 1898, dans le quotidien « l’Aurore », en défense du capitaine Dreyfus.
Alors, oui, J’accuse la Fondation Napoléon et son directeur d’avoir œuvré délibérément pour cacher au grand public une information de première importance dans l’histoire de l’Empire. Et dans l’histoire, la vie, la mort du personnage le plus grand de l’histoire de notre pays. Sans oublier que cet inadmissible comportement insulte aussi à sa mémoire.
Honte sur ces manipulateurs hypocrites et nuisibles !
Merci donc au « Carré Impérial » de me permettre de l’évoquer ici.
Une remarque en passant : si cette théorie était aussi grotesque que ces gens veulent nous le faire croire, pensez-vous qu’ils déploieraient autant d’énergie depuis des années pour la « planquer », la ridiculiser et la détruire ?
Pensez-vous que le gouvernement anglais eût dépensé quelque huit millions de francs par an, entretenu une garnison de quelque quatre mille hommes, soustrait une dizaine de vaisseaux de sa précieuse Royal Navy pour garder un souverain déchu et solitaire dont l’âme ne pouvait plus enflammer quiconque ?
à suivre…