La saga de l’empoisonnement de Napoléon – épisode 3

Bourrage de crâne et manipulations médiatiques

Le sentiment qui, d’expérience, s’impose dans cette affaire de l’empoisonnement de Napoléon, c’est que ses détracteurs accomplissent ce qu’il faut bien nommer une basse besogne (sur ordre ?), et que cette basse besogne, ils l’accomplissent bassement, sans, cela a été dit dans un autre chapitre, se préoccuper du tort éventuel que leurs propos ineptes et mensongers peuvent causer à des hommes respectables et reconnus pour leurs compétences professionnelles. Ni, bien évidemment, au président-fondateur de la Société Napoléonienne Internationale, Ben Weider, souvent brocardé par eux. Leurs seules armes – elles ne sont pas nobles, mais elles remplissent à merveille leur office – sont la dérision, l’étouffement médiatique, et le mensonge éhonté. On va le voir plus bas. La dérision, nous l’avons déjà rencontrée avec le « serpent de mer » cher à M. Jean Tulard.

L’étouffement médiatique

Les exemples foisonnent. Voici d’abord la mésaventure survenue à un historien, ancien directeur de recherches au Centre national de la recherche scientifique (C. N. R. S.), et l’un des coauteurs du Dictionnaire Napoléon, M. Jean Defranceschi.

Lorsque, à la suite de la publication des premiers résultats des analyses de Strasbourg, celui-ci, au cours de l’hiver 2000-2001, osa dire, devant des membres de l’Institut Napoléon, que la thèse de l’empoisonnement « valait mieux que le mépris », il vit, selon sa propre expression, « les micros se fermer », et, après une trentaine d’années consacrées au service de l’histoire napoléonienne, il fut, dès ce moment, interdit de parole, même au sein de l’Institut Napoléon. Un témoignage accablant qui en dit long sur le crédit que l’on peut accorder aux propos tenus par tous ceux qui, gravitant dans l’orbite directe du « Souvenir Napoléonien », de la Fondation Napoléon », et autres organismes assimilés, s’expriment sur le sujet.

Question simple : peut-on donner en France une conférence sur ce sujet, qui, on peut logiquement le concevoir, pourrait intéresser les sympathisants de Napoléon ?

La réponse est « non », car le Souvenir Napoléonien et la Fondation Napoléon disposent de délégations implantées sur tout le territoire, et ces délégations reçoivent des subventions d’un montant variant en fonction de critères qui échappent au vulgum pecus. La délégation qui se hasarderait à inviter un hérétique, partisan de la thèse de l’empoisonnement, à venir faire une conférence sur le sujet, se verrait privée de ces subventions dont elle a besoin pour continuer de faire marcher la « machine impériale ». Je ne saurais lui en faire reproche.

Un souvenir personnel pour authentifier mon propos. Il me souvient d’avoir été invité par la délégation du Souvenir Napoléonien de Belgique. Pour que ma venue ne laissât point de trace, l’invitation officielle me fut transmise par une autre association napoléonienne du même pays, et, finalement, mon intervention (gracieuse) ne fut même pas mentionnée dans le Bulletin d’information édité par ladite délégation : tout était donc pour le mieux, je n’étais pas venu. N’est-elle pas belle l’histoire napoléonienne vue à travers du prisme des « autorités » ?

Alors, « Souvenir Napoléonien » ou Souvenir… Stalinien ?

Autre exemple (mais il en est bien d’autres) : au début de 2006, toujours en ma qualité de représentant de la Société Napoléonienne Internationale de Montréal, je fus contacté par une journaliste polonaise de la télévision d’État de Cracovie. Son souhait : réaliser une émission sur le thème de l’empoisonnement de Napoléon. Après m’avoir interrogé très longuement et à plusieurs reprises, elle exprima le désir de contacter des opposants pour ne pas présenter un reportage qui n’eût donné à entendre que les arguments des tenants de la thèse. Je n’avais que l’embarras du choix. Je lui donnai donc les noms de M. Jean Tulard, qui, me raconta-t-elle par la suite, lui « raccrocha au nez », et ceux de M. Thierry Lentz et du Dr Lemaire, qui, eux, s’empressèrent de ne pas souhaiter répondre. Le reportage, finalement, ne put se faire, et d’autant moins que le directeur de la télévision de Cracovie préféra, en outre, ne pas (citation) « s’immiscer » dans les affaires politiques de la France. Blocage assuré. On pourrait épiloguer longuement sur le motif invoqué pour cette décision. Nos amis de l’opposition furent donc sauvés de justesse par cette préoccupation « diplomatique », car il leur eût été sans doute plus difficile d’orienter dans le « bon sens » des représentants d’une télévision d’État étrangère. Un projet, identique et bien entamé pour une chaîne de télévision privée russe connut le même sort funeste. Hasard, il va de soi.

Les détracteurs sauvés par la télévision française

 Stéphane Bern
 Stéphane Bern

Heureusement pour eux, la programmation d’une émission d’une chaîne de télévision française, « France2 » pour la citer, vint leur offrir l’une de ces tribunes dont ils sont si friands. Un très grand merci, donc, au passage, à Ben Weider et à la Société Napoléonienne Internationale de Montréal pour cette médiatisation inespérée, car, sans leurs attaques réitérées contre la thèse de l’empoisonnement, on se demande qui pourrait bien donner aussi souvent la parole à ces messieurs !

À la fin du mois de juin 2007, je fus appelé par une journaliste de la Société européenne de production qui devait réaliser, pour le compte de France2, une émission sur l’empoisonnement de Napoléon. Son titre : « Secrets d’Histoire » ; meneur de jeu : Stéphane Bern. Ben Weider et moi-même nous pensâmes que c’était là l’occasion inespérée de faire entendre – enfin – une autre voix. Naïfs que nous étions ! Mais nous voulions encore croire à l’existence d’une certaine déontologie, quoique ce vocable soit aujourd’hui dépourvu de signification réelle. Je fus longuement (une heure et demie) interviewé par cette journaliste qui, devant micro et caméra, me fit raconter toute l’affaire par le menu. Le doute s’insinua en moi lorsque j’appris que d’autres intervenants seraient eux aussi interviewés – ce qui était tout à fait normal – mais que ces entretiens se tiendraient dans la grande bibliothèque du château de Versailles. En ce qui me concerne, j’avais été plus discrètement et modestement interviewé dans un café-restaurant proche de la place Charles de Gaulle (ex-place de l’Étoile). Le piège était là, car il était évidemment hors de question que l’on présentât à l’écran une interview réalisée dans un simple « troquet » quand toutes les autres auraient pour cadre un décor prestigieux.

Par la suite, je tentais de soutirer quelques informations à mon « intervieweuse » sur, par exemple, les noms des autres intervenants. Écrire qu’elle se montra évasive relève de l’euphémisme le plus absolu. Simplement exprimé, elle ne « comprenait » pas ma question. Elle était effectivement difficile à comprendre ! Inutile d’entrer dans des détails fastidieux pour le lecteur. Regardons plutôt le résultat de cette émission, qui s’avérait prometteuse (?) au moins par sa philosophie. Qu’a-t-on donné au public à voir et à entendre ?

Des historiens, médecins ou directeur de laboratoire officiel comme MM Tulard, Lentz, Lemaire, Ricordel et autres, tous liés de près ou de loin aux instances napoléoniennes « officielles » mentionnées plus haut (pour ne parler que de ceux qui ont eu à connaître – et/ou à médire – de cette thèse par le passé) livrer, sans opposition, leurs arguments délibérément dévoyés.

Regardons maintenant la répartition de ces temps de parole chers à nos politiciens, et, là, le résultat est spectaculaire, qui donne une idée de l’honnêteté des réalisateurs :

Pour « l’opposition » :

  • Jean Tulard : 7 min 48
  • Thierry Lentz : 3 min 45
  • Dr Lemaire : 2 min 30
  • Pr. Lugli : 1 min 20
  • Pr Yvan Ricordel : 26 secondes

Pour les partisans de la thèse :

  • Dr Pascal Kintz, qui est pourtant le personnage clé de l’affaire : 1 min 37.
  • Votre serviteur : 29 secondes (sur une heure et demie d’interview !).

Ce qui donne le total de 15 min 49 pour les opposants, et de … 2 min 06 pour les tenants de la thèse. Soit près de huit fois plus en faveur des détracteurs de la thèse de l’empoisonnement !

Éloquent.

Tout commentaire ne serait-il pas superflu ? Quant à Ben Weider, lui aussi personnage clé de l’histoire, puisque cette thèse lui doit tout, il ne fit qu’une apparition furtive sous la forme d’une photographie utilisée… sans son accord écrit. Pourquoi se gêner ?

La S. N. I. sciemment dupée

Mais Jean-Louis Remilleux, ancien journaliste de télévision, et au moment considéré président de la Société européenne de production, à qui j’avais fait part de mon mécontentement sur la manière dont ses collaborateurs avaient traité l’information, eut la bonté de me rassurer. Il comprenait ma « frustration » dans une lettre dont je tire cet extrait : « … Le principe de toute enquête, et celui de notre émission, est de permettre à toutes les thèses de s’exprimer, y compris celles qui s’opposent à la vôtre ».

Compte tenu des temps de parole mentionnés ci-dessus, on ne peut dénier au signataire de la lettre un indéniable talent comique. Ou serait-ce de bonimenteur ?

Un nom nouveau est apparu dans l’énumération ci-dessus, celui du Pr Alessandro Lugli, un anatomo-pathologiste italien du CHU de Bâle, qui affirma que Napoléon ne présentait aucun symptôme d’intoxication arsenicale. Sans vouloir être désobligeant, j’ai le sentiment qu’il ne connaît pas très bien le sujet – je parle de Napoléon, bien sûr, et non de sa spécialité – à propos duquel il nous gratifia de son avis. Qu’importe au fond ! Le principal n’était-il pas qu’il s’exprimât pour, il va de soi, participer à la « casse » de la thèse de l’empoisonnement.

Moralité (si j’ose écrire) : dans cette histoire, la Société Napoléonienne Internationale a été dupée, sans grand mérite de la part des responsables de ce travestissement de la réalité, tant on perçoit, derrière cette émission, ce qu’il convient de nommer une « manipulation magistrale ».

Le dimanche 30 septembre 2007, au lieu d’un sujet historiquement passionnant, instructif et réalisé honnêtement, la chaîne de télévision France 2 – qui n’est pour rien dans cette triste affaire, pas plus d’ailleurs que son présentateur, Stéphane Bern – proposa, aux téléspectateurs français, via la Société européenne de production, une émission orientée, manipulée et truquée. D’ailleurs, en y réfléchissant a posteriori, il est évident que l’unique but poursuivi dans toute cette affaire fut de vouloir, à cette occasion, ridiculiser à grande échelle une thèse qui repose sur des fondements scientifiques que personne, de bonne foi s’entend, ce qui exclut pratiquement tous les intervenants de cette émission, ne saurait contester.

L’histoire de l’empoisonnement n’intéresse pas… Historia

 Historia_Napoleon

Historia ! Qui, s’intéressant à l’histoire, ne connaît cet excellent mensuel, dont le titre seul dit toute la vocation. Lorsque le Pr Wennig et le Dr Kintz eurent révélé, clichés scientifiques à l’appui, que le poison imprégnait l’intérieur même des cheveux impériaux, la Société Napoléonienne Internationale de Montréal réalisa un dossier de presse qu’elle fit parvenir, notamment au magazine précité. N’était-il pas, mieux que tout autre, destiné à s’y intéresser ?

Voici la réponse du directeur de la rédaction à l’envoi du dossier de presse :

«  … Le comité éditorial n’envisage pas la publication de cet article dans un prochain numéro ».

Et le dossier fut retourné à l’expéditeur. Réaction d’autant plus étrange (en apparence, bien sûr) que le magazine ne resta pas indifférent à la « pantalonnade » des chercheurs (!) de Bâle (voir plus haut) : le magazine consacra, en effet, un court article (cf. chapitre précédent) à cette singulière novation médicale et scientifique, qui fut, comme on s’en doute, fort bien accueillie dans d’autres colonnes. De crainte de lasser le lecteur, je suis contraint de passer rapidement sur d’autres manipulations de ce genre (ainsi, Thierry Lentz invité deux fois en 2001 : les 13 juin et 6 décembre) par Yves Calvi sur les ondes d’Europe1 pour parler de… devinez !, ou cette évocation « spontanée » (!) de l’empoisonnement de Napoléon – qui… n’a pas été empoisonné – entendue au cours de l’émission de Philippe Bouvard, « Les Grosses Têtes », bien connue pour l’intérêt soutenu qu’elle porte à l’Histoire… Celle-ci constitue presque un cas d’école de cette volonté, non avouée mais délibérée et opiniâtre, de duper, avec impudence et en toute impunité, le grand public… Et toujours avec le soutien actif de quelques médias.

Et que penser de ce qui s’est passé avec l’Encyclopædia Britannica ? Ben Weider avait appris que le comité scientifique – le seul apte à se prononcer sur ce cas – de la prestigieuse encyclopédie, après les avoir longuement étudié, avait décidé de ratifier les résultats des diverses analyses pratiquées sur les cheveux impériaux, et s’apprêtait à les intégrer dans la rubrique consacrée à Napoléon. Et… Ne voyant rien venir, Ben Weider s’enquit de ce qui se passait. Ce qu’il apprit n’avait rien que de très banal, en somme, dans ce contexte : le comité historique, donc le plus mal placé pour apprécier des résultats scientifiques de haut niveau, en avait, tout simplement, décidé autrement. Il faudrait avoir bien mauvais esprit pour en déduire que des pressions avaient pu être exercées.

Un événement mémorable : le livre de MM. Lentz et Macé

Nous voici maintenant au mois d’avril 2009, mois mémorable entre tous qui vit la publication de « La Mort de Napoléon, Mythes, Légendes et Mystères », un livre modeste d’écriture et de volume (226 pages), signé de M. Thierry Lentz et de son dévoué complice, M. Jacques Macé.
L’un des chapitres – et on se demande bien pourquoi ils se sont crus obligés d’en ajouter d’autres – est consacré à l’affaire de l’empoisonnement de Napoléon. Il convient de souligner que Ben Weider, l’homme clé de toute cette affaire, étant décédé au mois d’octobre de l’année précédente, les conditions idoines étaient réunies pour tenter de porter, sans risque, un dernier coup, mortel si possible, à la thèse soutenue par l’homme d’affaires québécois. Lorsque l’on recherche l’efficacité dans la supercherie, on ne va évidemment pas s’embarrasser d’élégance. Ce n’est pas le « genre de la maison ».

L’éditeur, Perrin, avait bien fait les choses, qui avait consenti à cette nouveauté (?) une mise en place généreuse et ostensible.
Puis, il y eut le relais de certains médias. Sans être un délire, ce fut tout de même un enchantement. Les critiques furent littéralement éblouis par ce livre dont plusieurs écrivirent – étrange unanimité de la formule – qu’il, je cite, « se dévore comme un roman policier ». Peut-être une nouvelle voie pour ces deux piliers de la Fondation Napoléon ! On vit alors M. Lentz gambader d’un studio de radio et de télévision à un autre pour faire la promotion frénétique de son dernier opus en duo, et expliquer sentencieusement combien cette histoire d’empoisonnement était absurde. On l’entendit, entre autres, sur les ondes de « France Info », dans la très écoutée émission de Philippe Vallet, « Le Livre du Jour », sur celles de France Inter dans « 2 000 Ans d’Histoire »

« France Info » enthousiaste

François Busnel
François Busnel

Le 10 août 2009, « France Info » diffusa une chronique littéraire intitulée : « François Busnel traque les mystificateurs et les historiens farfelus dans sa Librairie d’été. »

Quel programme !

Dans le cours de cette chronique qui dure 1 minute 54 secondes, on relève que l’histoire de Napoléon ne pouvait échapper aux « amateurs de mystères », car il constitue « un terrain fertile aux constructions les plus abracadabrantesques », au nombre desquelles, bien sûr, figure en bonne place la thèse de l’empoisonnement, soutenue par des « historiens un peu farfelus », que l’on surnomme les « empoisonnistes » (sic) – et là, dans l’intonation du chroniqueur, on sent percer une manière de commisération condescendante. Rien qu’à ce sobriquet, vous aurez deviné que la chronique de M. François Busnel sur France Info était dédiée, non à la critique, mais au dithyrambe du dernier ouvrage (mentionné ailleurs dans ce texte) de MM Lentz et Macé, « deux spécialistes du personnage [qui] présentent une étude très minutieuse des différentes thèses dans “La mort de Napoléon.” » Cela ne saurait s’inventer.

Résumons.

D’après les conclusions que le chroniqueur a tirées de sa lecture (on échappe cette fois à la mention du livre qui « se dévore comme un roman policier »), on apprend qu’à son décès Napoléon présentait certes un taux anormal d’arsenic (merci) dans … le sang (c’est nouveau !), mais, je cite et je condense, « c’est presque trop beau » dit notre chroniqueur, car qui dit arsenic dit empoisonneur, et comme Mme de Montholon est supposée – François Busnel, lui, est affirmatif – avoir accordé ses faveurs à l’Empereur (mais également à un jeune officier anglais), on dispose donc à la fois de l’arme du crime et du mobile : c’est le mari trompé, le général de Montholon, qui aurait assassiné Napoléon.

Magistral.

Le chroniqueur de « France Info » ne ferait-il pas une confusion, involontaire il va de soi, avec la théorie proposée par la bluette un peu sordide développée il y a quelques années par le professeur d’économie René Maury ? Voici donc, vue et résumée par M. Busnel, la thèse de l’empoisonnement de Napoléon. Je ne reconnais nullement dans tout ce verbiage l’imparable démonstration scientifique établie, sur l’initiative de la Société Napoléonienne Internationale de Montréal et de son président Ben Weider, par le Dr Pascal Kintz et le Pr Robert Wennig. Il est vrai que l’on peut faire toute confiance aux auteurs du livre encensé pour ne présenter que les arguments les plus grotesques.

Enfin, voici la conclusion du chroniqueur parlant de l’œuvre :
« On sort de ce livre convaincu qu’une construction historique n’est solide que si elle est assise sur une interprétation honnête des documents. »

Fermez le ban !

Question honnêteté d’interprétation des documents, nos deux auteurs sont effectivement au-dessus de tout soupçon ! Pour qui connaît – mais il faut les bien connaître – les théories à géométrie variable des deux auteurs susnommés, cette phrase que j’ai soulignée, confère un effet des plus (involontairement) comique, du moins pour ce qui est de la thèse de l’empoisonnement, à cette chronique péremptoire qui se termine ainsi :

« Ainsi vacciné [merci Docteur !], on peut dormir tranquille. Non, Napoléon n’a pas été assassiné, et c’est bien lui qui repose aux Invalides ».

Fermez le ban ! (bis)

Énumération non exhaustive. Ajoutons à ce palmarès incomplet une conférence au Centre du visiteur, à Waterloo, dont les responsables, jusqu’alors, s’étaient souciés comme d’une guigne de l’empoisonnement de Napoléon. Quoi de mieux qu’interlocuteur unique pour distiller la pensée unique ? L’antithèse avant la thèse ! La synthèse risque donc fort de se faire attendre encore longtemps.

Les certitudes péremptoires du Figaro

Figaro

Dans le domaine de la presse écrite, c’est, cette fois encore, le Figaro qui se montra, si j’ose écrire, à la hauteur. Outre l’article déjà mentionné sur le « serpent de mer », je crois utile de rappeler que ce journal avait commenté – à sa manière – « l’étude » américaine évoquée plus haut : « Quand [t] aux analyses effectuées sur les cheveux de Napoléon, les plus récentes études montrent qu’il [l’arsenic] n’a pas été ingéré mais est venu de l’extérieur, sans que l’on puisse précisément dire comment. Mais il ne s’agissait pas d’empoisonnement. » (Fin de citation).

On reste confondu devant une affirmation aussi péremptoire. Cependant, cet article, dont l’auteur, dans un souci d’humour plutôt laborieux, faisait semblant de se lamenter sur la théorie de l’empoisonnement – « Pourtant, qu’elle était belle l’histoire du complot et de l’empoisonnement à l’arsenic » – suscite des interrogations. Interrogations qui valent d’ailleurs pour ses pairs.

Ignorance ? Ce qui impliquerait qu’il en était resté aux étonnantes analyses (de surface) de Science & Vie (novembre 2002), mises en pièces par le travail de Robert Wennig et de Pascal Kintz. A-t-il été une dupe innocente de sa source ? Ou, pour des raisons qui restent à déterminer, s’est-il fait le complice – consentant – de ce qu’il faut bien appeler la désinformation habituelle qui a cours dans cette affaire ? Si cela était, ce serait grave, car, semble-t-il, il n’est pas pire atteinte à la déontologie journalistique qu’une désinformation délibérément acceptée, et propagée à seule fin de mystifier délibérément le public. Et surtout, de quelles compétences pouvait-il bien se prévaloir pour trancher avec autant de superbe sur un sujet auquel, visiblement, il ne connaissait rien, ou, éventuellement, faisait semblant de ne rien connaître ? Pour le livre cité plus haut, c’est un autre journaliste qui se fit le héraut de la dernière « communication » de MM Lentz et Macé, dont il salue la « rigueur d’historiens ».

Inutile de lire l’article, le titre : « Un empoisonnement tiré par les cheveux », se suffisant à lui-même. Citant les auteurs, le journaliste écrit que ceux-ci « ne concluent pas à un assassinat mais plutôt à une intoxication. Par exemple à la liqueur de Fowler, qui contient de l’arsenic, et qui était utilisée à l’époque comme remontant. » (Fin de citation). Un remontant à base de mort-aux rats ! Quelle santé, notre Empereur ! Comme on le dit plaisamment « Il faut le faire ». Eh bien, « ils » l’ont fait ! J’ai bien évidemment réagi à la lecture de cet article malfaisant, mais ma réaction, dans laquelle j’évoquais en toute connaissance de cause la « rigueur » de MM Lentz et Macé et leurs théories à « géométrie variable » ne fut pas publiée. Je n’aurai évidemment pas l’inconvenance d’employer le mot blessant de censure.

Pour Le Point, c’est « loufoque »

Le Point

« Dans la roue » du Figaro, il faut absolument citer l’hebdomadaire le Point, dont je me demande s’il n’est pas allé plus loin encore dans la flagornerie. Il est vrai que l’un des auteurs du livre en question – ce qui n’est pas inutile – y a ses petites et grandes entrées (cela implique qu’il les a également à Historia, qui fait partie du même groupe !). Le monde de la presse est petit. Ce critique, François Malye, écrit : « Il faudra attendre 1860 pour que les thèses les plus fantaisistes commencent à circuler sur les conditions de sa mort : empoisonnement à l’arsenic par le maître espion Cipriani… » !!!

Une nouveauté.

Il s’agit en fait de 1960, mais nous ne sommes plus à cela près ; retenons plutôt la phrase magistrale qui clôt l’article :
« Thierry Lentz, directeur de la Fondation Napoléon, et Jacques Macé réfutent, preuves historiques à l’appui, ces versions loufoques dans un petit livre qui se dévore comme un roman policier. » Des historiens réfutant les conclusions d’analyses scientifiques de haut niveau ! La « science infuse » existe ; la preuve : elle se rencontre entre les murs de la Fondation Napoléon, dont M. Lentz est le directeur.

Vous avez bien noté l’adjectif « loufoques ». Le Pr Hamilton-Smith de l’université de Glasgow, Roger Marz, le patron du laboratoire de chimie-toxicologie du F B I, le Dr Kintz, ancien président de l’Association internationale des toxicologues de médecine légale, le Pr Wennig, titulaire de la chaire de toxicologie analytique à l’université du grand-duché du Luxembourg, ne seraient donc tous que des « Professeurs Nimbus » exposant des théories « loufoques ».

On ose à peine croire qu’un journaliste digne de ce nom puisse tenir semblables propos, et il ne serait pas sans intérêt de connaître les impressions des scientifiques ainsi (mal)traités sur pareil jugement. Outre, entre autres choses, la mauvaise foi qui exsude de ce livre, le plus révoltant de l’affaire est bien cette complaisance de certains médias envers lui. Car aucun des chroniqueurs n’a songé – il me semble pourtant que c’est la base du métier de journaliste – à confronter les affirmations contenues dans « l’œuvre » de MM Lentz et Macé aux arguments scientifiques développés sur le site de la SNI. L’expérience eût été sans doute trop douloureuse pour les auteurs. J’écrivis une longue lettre au critique de l’hebdomadaire en question pour lui expliquer que, loin d’être « loufoque » – je lui laisse le mot qui lui appartient – la thèse de l’empoisonnement était on ne peut plus sérieuse. La qualité des scientifiques qui réalisèrent toutes ces analyses n’eût-elle pas dû suffire à susciter chez lui une certaine curiosité ? Dans ce courrier, je lui proposais également de le rencontrer à sa convenance pour parler de cette thèse « à titre strictement personnel ».

Que croyez-vous qu’il se passa ? Vous avez deviné juste : rien, évidemment.

Conclusion : bien qu’elle eût été démontrée de manière indiscutable, la thèse est « loufoque ». Affaire entendue. Pour le Point, évidemment. Un peu léger tout de même comme contre-argumentaire. Avec ce livre, on eût été en droit de penser que les adversaires de la thèse de l’empoisonnement étaient allés jusqu’au bout de leur impudence. Pas tout à fait.

Cette série d’articles est dédiée à la mémoire de Ben Weider.

Ben Weider