C’est un vent de force 10 qui vient de souffler avec ce texte de Loïck Bouvier, « 200 ans de combat ». Texte courageux, qui ose dénoncer une vérité soigneusement étouffée, dont le grand public n’a pas conscience : l’histoire de Napoléon et du Premier Empire que l’on nous sert en France est celle racontée, depuis effectivement deux siècles, par les vainqueurs de la journée du 18 juin 1815, avec la bénédiction tacite de la Fondation Napoléon.
Sur, et surtout contre Napoléon, on a le droit de tout écrire : l’Ogre, l’Attila du XIXe siècle, qui se goberge en déambulant parmi les blessés des champs de batailles, le massacreur impénitent, le despote même pas éclairé, la brute misogyne, l’esclavagiste, le fauteur de guerre dément, le « nabot » (appellation contrôlée), le boucher, et j’en passe, bref le fléau qui a entraîné la France et l’Europe dans ces guerres sanglantes auxquelles « on » a donné son nom.
En titrant son texte « 200 ans de combat », Loïck Bouvier a parfaitement résumé la situation, et comme il prend soin de désigner les coupables, nous n’ignorons plus rien des responsables de cette manipulation magistrale.
Il faut du courage – et je suis bien placé pour savoir qu’il n’en manque pas – pour tenir semblables propos sur des institutions hypocrites dont les dirigeants semblent avoir oublié pourquoi, dans les années 80, un industriel nommé Martial Lapeyre, grand admirateur de Napoléon, a fait un legs de quelque 260 millions de francs (« lourds », donc) au « Souvenir Napoléonien », ce qui a permis la création de la Fondation.
Ce n’est certainement pas pour nous donner à entendre des propos obscènes sur l’anatomie de l’Empereur (que je ne restitue pas par décence, et respect pour l’homme, je parle de Napoléon, évidemment), pas pour que nous puissions nous « gargariser » de coucheries, pas pour entendre que son génie n’est que « surprise et propagande » – l’auteur se reconnaîtra aisément s’il lit ou si de petites mains lui font leur rapport – ni que sa conception de la guerre ressortit davantage au poker qu’aux échecs, etc. etc.
La liste est longue.
À « la manœuvre », cette institution déjà nommée, que le texte étrille. Ses dirigeants ont pris en main l’histoire de Napoléon et du Premier Empire, régnant sur elle sans partage. Ils s’insinuent partout, fermant toutes les voies d’accès, jugent, tranchent, font barrage aux « outsiders », décident de ce qui est bien – c’est-à-dire eux-mêmes – et ne l’est pas – les autres – décrètent ce que l’on peut publier – leurs ouvrages – et ce qui doit être bloqué – ceux des autres, n’hésitent pas à ridiculiser des hommes de bien, comme le Canadien Ben Weider, fondateur de la Société Napoléonienne Internationale de Montréal, décrit avec mépris comme « le fabricant d’articles de sport », promouvant son « monstre du Loch Ness » – entendez l’empoisonnement de Napoléon – et à tenir pour quantité négligeable les travaux des scientifiques éminents reconnus par leurs pairs du monde entier, mais qui se refusent à cautionner ce qu’il faut bien nommer leurs « magouilles ».
À la Fondation, on est historien et scientifique de haut niveau !
Les mêmes ont investi l’édition, bloquant les livres qui ne sont pas conformes à leur doxa personnelle, la presse : certains journalistes, qui leur mangent dans la main, se sont faits servilement leur porte-parole ou leur porte-voix. Les exemples ne manquent pas. D’où une information biaisée, manipulée, comme l’a bien montré l’affaire de l’empoisonnement de Napoléon dans laquelle ils ont donné leur pleine mesure de nuisance et de mauvaise foi. De grossièreté aussi.
Ce triste tableau est, si j’ose écrire, l’œuvre de la Fondation Napoléon, dont le dernier exploit en date est d’avoir publié, aux éditions Perrin, l’un de leurs bastions éditoriaux, un « digest » du Mémorial de Sainte-Hélène, réalisé à partir du manuscrit – original, oui, oui – débusqué à Londres, et censé, avec ses 800 petites pages, remplacer l’œuvre magistrale, sinon parfaite, de Las Cases forte de ses presque deux mille pages.
Il fallait effacer, du moins tenter d’effacer ce témoignage, qui, de Sainte-Hélène, porte la voix de Napoléon, car vu par le Maître, comme un « chef-d’œuvre de propagande ».
Même la Société Napoléonienne Internationale de Montréal, fondée par la bête noire de ces messieurs, Ben Weider déjà nommé, a été investie. J’y reviendrai plus tard…
Lorsqu’une organisation est, comme ici, en situation de suprématie absolue, il n’y a plus de pluralité d’opinion(s). On est contraint de suivre un chemin dont on ne peut s’écarter.
L’expérience le montre, ces personnages sont nocifs pour la mémoire de Napoléon et pour l’histoire du Premier Empire. Non pas tant par leurs livres – qu’ils publient à une cadence qui force le respect, mais dont les ventes sont modestes – que par leurs apparitions récurrentes dans des émissions de télévision destinées au grand public. Je pense notamment à « Secrets d’Histoire ».
Lorsque l’un des membres de la Fondation participant à l’émission déclare avec un bel aplomb :
« Chez Napoléon, la passion amoureuse est associée au plaisir de faire la guerre, autant il aime Joséphine, autant il aime faire la guerre, ces deux passions se mélangent. »
Là, ce ne sont pas quelques milliers de lecteurs qu’ils touchent, mais des millions de téléspectateurs, qui n’iront pas chercher ailleurs, et, leur récepteur éteint, ne garderont en mémoire que ces peu ragoûtants propos.
Au fait, fondés sur quelles preuves matérielles ? Ces « historiens » étaient-ils dissimulés sous la couche impériale, ou dans un recoin de la scène du « crime » ?
Au fond, peu importe qu’ils parlent de Napoléon avec des mots sordides, l’important étant qu’ils ne tiennent aucun propos fâcheux sur les politiciens anglais de ce temps, et ne révèlent aucune de leurs turpitudes funestes, dont la plus spectaculaire quoique inconnue du public, est le versement par Londres de millions et de millions de livres pour alimenter les fameuses guerres, napoléoniennes, of course.
VÉRITÉ CACHÉE
Par curiosité, cherchez sur le site de la Fondation : « Attentat de la rue Saint-Nicaise ». Que trouverez-vous ?
La date, le lieu et… la suggestion d’aller « voir l’article de Jean Tulard “Les attentats contre Napoléon” dans la Revue du Souvenir napoléonien, n°391 ».
Pas facile, le plus ancien numéro dont je dispose étant le n° 389 de juin-juillet… 1993 !
Revue inaccessible ; site quasi muet sur le sujet – pas tout à fait quand même, l’un des terroristes, que l’on voit allumer la mèche fatale, étant qualifié de « royaliste intransigeant ». Vu sous cet angle, évidemment, les méfaits de l’Angleterre et ceux de ses séides royalistes apparaissent plus présentables. Une manière de caution de moralité.
Mais il est inutile de chercher l’identité des commanditaires de ce massacre, elle ne figure évidemment pas.
Quant à William Pitt, dit « le Jeune » ou « le second Pitt », le personnage qui est l’instigateur des « guerres napoléoniennes », il n’est, hormis quelques brefs repères biographiques, gratifié que de dix lignes, et son maître, le roi George III, d’une… gravure.
Discrétion assurée. Pour vivre heureux, vivons cachés.
En fait, la démarche est à la fois prudente et judicieuse – honnête, c’est autre chose, mais c’est pour la cause ! – sinon il eût été nécessaire de tout expliquer aux visiteurs du site : les millions de livres répandues pour, d’abord, tenter d’assassiner le premier Consul, puis, décider l’Autriche et la Russie à entrer en guerre avec la France en 1805.
Plus tard, ce sera le tour de la Prusse, de la Suède, de l’Espagne et du Portugal qui recevront des fusils et des sabres par centaines de milliers, des pièces d’artillerie, d’équipement, des uniformes… et tout ce dont une armée – plus, en l’occurrence, les guérillas – a besoin pour mener à bien ses missions.
Ces propos ne sont pas le fruit d’un délire personnel dû à ma supposée « anglophobie » bien connue et régulièrement dénoncée.
On peut trouver la trace de ces chiffres dans un discours prononcé, devant le Parlement, par le ministre des Affaires étrangères (Foreign Office), Lord Castlereagh (1 – se référer en bas de texte).
Quant à Wellington (2 – se référer en bas de texte), il disposait également d’une somme annuelle d’environ un million de livres pour subvenir aux besoins des troupes espagnoles servant sous commandement anglais.
Si la Fondation ambitionnait vraiment de relater avec honnêteté l’histoire de Napoléon et du Premier Empire, elle n’aurait évidemment pas pu faire l’impasse sur ces vilenies, ce qui était impensable. Sinon, imaginez le choc ! D’où la « sécheresse » du site sur le sujet. C’est de la rétention d’informations, et de la propagande de destruction.
Je pourrais continuer, mais il me semble que ces quelques indices suffisent à donner de la substance aux propos iconoclastes et bien venus de Loïck Bouvier.
Quant à aller remettre les prix d’une Fondation qui porte le grand nom de Napoléon dans les locaux de l’ambassade du pays qui fut son plus mortel ennemi et le nôtre, qui, après avoir payé les autres monarchies pour lui faire la guerre, continue de répandre le poison bien connu sous le vocable de « guerres napoléoniennes », cela relève de l’indécence pure et simple.
Alors, Napoléon, c’est toujours le « boucher » ?
Il faut que cette bourrasque, qui s’est levée continue de souffler et de se propager dans le monde, car les Français ne doivent plus accepter que l’histoire de la période la plus grande de leur pays – le règne de Napoléon – soit celle, biaisée, des vœux de l’Angleterre, et, qui plus est, relayée par une institution française.
L’histoire de l’Empire doit être curée de fond en comble.
Nous le devons à nous-mêmes, mais surtout à la mémoire bafouée de Napoléon, et à celle de nos compatriotes qui sont tombés pour assurer la prospérité des négociants et du commerce britanniques.
1 – Toutes ces précisions, mais infiniment plus développées, figurent dans mon manuscrit qui fut bloqué (je me demande bien par qui) en cours de fabrication aux éditions Plon, l’éditeur de mon livre sur la Campagne de Russie.
2 – Rappelons pour l’anecdote que le surnom de « duc de fer » de l’idole des Anglais n’a strictement rien à voir avec son comportement au combat, mais, plus prosaïquement, aux rideaux de fer qu’il fit installer sur son hôtel de Londres (Aspley House) pour protéger les carreaux de ses fenêtres de la colère du peuple anglais irrité par son intransigeance au cours de son mandat de Premier Ministre (1828-1830).