Voici le 3e épisode des « pontons britanniques »… Sachez que le 1er épisode a déjà choqué Madame Sophie Muffat, conférencière pour la Fondation Napoléon (article en ligne). Et bien continuons à choquer, continuons à diffuser la vérité sur cette affaire, comme l’avait souhaité le Grand Napoléon. La question « La Fondation Napoléon “planque-t-elle” les crimes de l’Angleterre ? » fera encore trembler les salons parisiens.
ENGLISH MALBOUFFE
Compte tenu de la réputation bien établie de l’Angleterre en matière de gastronomie – si tant est que ce mot se puisse appliquer à la nourriture donnée à des prisonniers – on peut aisément anticiper la nature des victuailles dont le Royal Navy Transport Board régalait nos compatriotes des pontons.
Nous ne serons pas déçus.
Découverte de la « malbouffe » avant l’heure.
Sur la carte : une livre et demie d’un pain grossier et « rempli d’eau », une demi-livre de viande de très mauvaise qualité cuite à l’anglaise, c’est-à-dire bouillie, deux onces de gruau (une once = un peu plus de 28 grammes), et un chapelet d’oignons.
Ni bière, ni vin, mais de l’eau souvent de pureté plus que douteuse.
Deux jours par semaine, du poisson salé – alternativement de la morue ou du hareng – remplace la viande. Le hareng, qui n’a pas l’heur d’agréer les palais prisonniers pourtant peu regardants, est généralement laissé au fournisseur pour « un sol ».
L’alternative est simple : on prend ou on laisse.
Au nombre des légumes octroyés par le gouvernement de Sa Majesté britannique pour nourrir les captifs, figurent en bonne place les haricots.
Mais pas n’importe lesquels. Des haricots dont la caractéristique première est de se montrer rétifs à la cuisson. Mal acceptés par tous ces estomacs délabrés, ils sont rejetés incontinent, ce qui fait l’horrible bonheur de certains, qui vont chercher dans les matières vomies par leurs camarades de souffrances des haricots non digérés, et sans plus de façon, les mangent après un lavage sommaire.
« VIVRE DE SON MORT »
Même les morts peuvent servir !
Ceux qui succombent rendent un grand service à leurs camarades, car ils conservent les cadavres sans les déclarer pendant cinq à six jours pour bénéficier de leurs rations. Dans leur triste jargon des pontons, les prisonniers – mais nommer ces hommes des prisonniers, c’est faire trop d’honneur à leurs tortionnaires – appellent cette sombre pratique « vivre de son mort ! » (1)
Heureusement, mais encore faut-il en avoir les moyens, deux canots « assermentés » sont autorisés à parcourir la rade. À leur bord, thé, café, tabac, sucre, pommes de terre, et chandelles. Mais ces commerçants d’un genre spécial savent « faire leur beurre » : à bord des pontons, les denrées qu’ils proposent sont vendues un bon tiers au-dessus de ce qu’il en coûte sur la terre ferme.
Mais pas question de marchander les prix. Là aussi, c’est à prendre ou à laisser.
Autre voie de ravitaillement pour tenter d’améliorer un peu son ordinaire : les femmes des militaires de l’infanterie de marine commis à la surveillance des prisonniers.
Deux fois par semaine, munies d’une liste de « shopping » et d’argent remis par les prisonniers, elles se rendaient à terre pour faire des emplettes.
Contre rétribution, il va de soi.
On pouvait, idéalement, s’attendre à ce que des femmes, à l’âme plus sensible que celle des brutes du navire pénitentiaire, auraient à cœur d’accomplir avec générosité cette tâche « humanitaire ».
Que nenni !
Ces dames ne rapportent que très rarement ce qui leur a été demandé, et, plus rarement encore, la quantité souhaitée. En revanche, elles n’oublient jamais de doubler le prix. En cas d’erreur dans le choix des provisions rapportées, il est hors de question de refuser. Comme plus haut : c’est à prendre ou à laisser. Et comme de juste, le « client » ignore le montant de la somme réellement dépensée.
Aussi, l’un des « chalands » ne désigne-t-il ces femmes que sous l’appellation éloquente de « vampires ».
IMPOSSIBLE DE SE TENIR DEBOUT
En 1813, dans la seule rade de Chatham, on comptait neuf pontons – leur nombre dépendait des « arrivages – renfermant, chacun, environ neuf cents, parfois davantage, prisonniers, soit, à la date considérée, quelque huit mille hommes réduits à la plus extrême misère. Donc, condamnés à l’avilissement.
Les vaisseaux étaient mouillés à des distances telles les uns des autres que les prisonniers ne pouvaient communiquer entre eux ni par la voix ni par signes, tout en étant suffisamment proches pour pouvoir, le cas échéant, une mutinerie par exemple, se porter mutuellement assistance.
Raffinement suprême : la hauteur du faux-pont (2) étant de quatre pieds dix pouces – soit un mètre quarante-sept – il est impossible de se tenir debout.
Commentaire de l’un des heureux pensionnaires du gouvernement anglais :
« L’homme de la plus petite taille ne peut jamais s’y tenir debout. C’est un genre de supplice perpétuel qu’aucun de ces tyrans, qui ont déshonoré l’espèce humaine, n’avait encore imaginé contre les plus grands criminels. La plupart des hommes qui y ont été enfermés, sont perclus et ne se relèveront plus. »
Évoquant ce douloureux sujet, Napoléon dira :
« Alors a commencé pour nos malheureux compatriotes cet affreux supplice des pontons, dont les Anciens eussent enrichi leur enfer, si leur imagination eût pu les concevoir. »
Suite au prochain épisode…
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1 – Ceux qui sont détenus dans les prisons terrestres ne sont pas mieux lotis. Lors d’une visite à la prison de Portchester à environ 8 kilomètres au nord-ouest de Portsmouth, où quelques milliers de prisonniers crevaient de faim, un colonel anglais pénétra dans l’enceinte de la prison, en laissant son cheval attaché à la barrière. Lorsqu’il revint un quart d’heure plus tard, il ne le retrouva pas. On l’informa que le malheureux animal avait été tué, dépecé et mangé. Comme il n’en voulait rien croire, « on le conduisit, raconte Pillet, où était la peau et les entrailles, et un misérable affamé acheva de dévorer en sa présence la dernière pièce de viande crue. Tous les chiens qui entraient dans la prison avaient le même sort. »
2 – Le faux-pont, équivalent de l’entrepont, est le plancher établi au dessus de la cale. Il fut amovible avant d’être fixe et concerne l’espace entre la cale et le premier pont. C’est sur ce plancher que l’on établit les cadres des malades et blessés entre deux grandes écoutilles. (In architecture-navale-ancienne.com).