Fin août 2018… M. Stéphane Bern fait part de son mécontentement et menace de quitter son poste de « Mission patrimoine » s’il n’est qu’un « cache misère ». En parallèle, il propose un loto, en partenariat avec la Française des jeux, pour financer la rénovation de monuments, car il paraît que le gouvernement français ne dispose pas de moyens financiers. Et dans le même temps, ce gouvernement français promet d’aider financièrement le musée national de Rio de Janeiro ravagé par les flammes dans la nuit du 2 au 3 septembre 2018.
Mais quelle mascarade !
J’en vois, même des « napoléoniens » ou « bonapartistes », qui soutiennent cette arnaque. Peut-être espèrent-ils avoir quelques secondes de « gloire personnelle » dans une télé qui appartient au passé ?
Que c’est à la fois triste et naïf.
Pour ma part, les émissions Secrets d’Histoire (ou Ragots d’Histoire) de 2015 sur Napoléon m’ont suffi pour cerner ce personnage grotesque.
Et comment soutenir quelqu’un qui cautionne les expressions perverses et irrespectueuses du genre : « Napoléon n’était pas franchement admirablement équipé génitalement parlant… cette atrophie sexuelle… il courait la gueuse sans arrêt » ; « Chez Napoléon, la passion amoureuse est associée au plaisir de faire la guerre, autant il aime Joséphine, autant il aime faire la guerre, ces deux passions se mélangent » ; « Marie Walewska s’évanouit et Napoléon la viole, c’est un viol ni plus, ni moins » ?
Chers « napoléoniens ou bonapartistes » qui faites de la pub à Stéphane Bern, réveillez-vous, prenez conscience, et cessez d’être dupes.
Aussi, j’aimerais faire partager une lettre ouverte à Monsieur Stéphane Bern écrite par Madame Alexandra Sobczak-Romanski, fondatrice d’Urgences Patrimoine.
LETTRE OUVERTE
—– 5 septembre
« Pour aller jusqu’aux cieux, il vous fallait des ailes :
vous aviez le désir, la foi vous a manqué.
—— Alfred de Musset, « L’espoir en Dieu », Poésies nouvelles.
Cher monsieur Bern,
À l’instar de beaucoup d’autres dans ce pays, je ne peux que m’étonner de vous voir saisir seulement maintenant le rôle que l’on a souhaité vous faire jouer. « Cache-misère », dites-vous, non sans quelque perspicacité. Mais il en aura donc fallu du temps ! Car, enfin, l’homme de télévision et de radio que vous êtes aurait dû entrevoir cela bien plus tôt. Devons-nous conclure que votre vanité — qui n’exclut peut-être pas chez vous une vraie sincérité —vous en aura empêché ? Après tout, comme cela doit être agréable d’être adoubé par les plus hautes sphères de l’État comme l’homme providentiel capable de résoudre tous les problèmes du patrimoine ! Comme cela a dû flatter votre égo ! Or, soyons sérieux un petit instant. Que vous compreniez seulement aujourd’hui que les moyens qui sont les vôtres ne suffiront pas pour sauver le patrimoine ne peut que nous laisser tous songeurs. Vous fallait-il presque une année pour mesurer l’étendue du chantier et pour, enfin, clamer haut et fort dans la presse que le patrimoine était en danger ? Esquisser — je dis bien « esquisser » — le geste de démission de Nicolas Hulot ne suffira pas à vous crédibiliser dans votre action : bien au contraire. Ou l’on part, ou l’on reste. Ou l’on cautionne, ou l’on démissionne. Vos tergiversations ne peuvent qu’amplifier l’entre-deux dans lequel l’on vous a placé — ne perdez pas de vue que vous n’êtes pas ministre, du moins, pas encore. En outre, laisser croire que vous êtes vraiment en mesure d’entamer un bras de fer avec le gouvernement sur le mode « Donnez-moi des sous ou je m’en vais » est une éventualité si saugrenue que l’esprit la rejette aussitôt. Tout cela paraît si grotesque, en première lecture. Ou alors, monsieur Bern, vous êtes encore meilleur communiquant qu’on le pense et vous donnez ici libre cours à ce que vous appelez vos « ambitions de comédie ». Il faut assurément un grand talent d’acteur pour chercher à vous faire plaindre et ainsi jouer sur la corde sensible de vos concitoyens. Et pas à n’importe quel moment. Juste à la veille d’une loterie nationale dont on peut déjà dire que le billet ne sera pas à la portée de toutes les bourses. « Pauvre monsieur Bern, lui qui s’est tant investi, lui qui se retrouve si seul et sans le sou, versons notre obole ». Bref aider monsieur Bern, c’est aider le patrimoine. C’est un peu gros, mais ça peut marcher. Chercher à vous attirer ainsi la compassion populaire est une idée comme une autre, mais nous le savons tous, ce n’est pas de cette façon que nous réglerons le problème.
Alors oui, monsieur Bern, il faut le reconnaître, vous êtes un histrion sachant parfaitement actionner les leviers médiatiques. Après tout, c’est votre métier, vous l’avez souligné encore récemment. Mais attention, toutefois, à ne pas prendre le français pour plus bête qu’il ne l’est. Ce n’est pas tant que la manœuvre soit moralement douteuse ; c’est juste qu’au final votre « expertise » devient sujette à caution. Votre indignation tardive, vos menaces de retrait ont des airs de rodomontade qui risquent, in fine, de poser la question de votre compétence et vous ne méritez pas un tel discrédit. L’enthousiasme, monsieur Bern, — et tout porte à croire que vous en avez à revendre — ne suffit pas. Il faut de la constance et de l’imagination. Une idée ne suffit pas : il en faut cent. Ressortir des placards les idées des autres peut-être une bonne formule, mais vous auriez pu bien mieux faire !
Vous auriez pu devenir un étendard de la cause patrimoniale, notamment par le bais d’actions de terrain, et par le truchement de votre propre fondation qui ne l’oublions pas est active. Or, vous êtes en passe de devenir — et vous le savez — une tête de gondole, un produit d’appel visant, d’une part à cautionner un groupe politique, et, d’autre part (et c’est paradoxal), le VRP la Fondation du patrimoine et de ses pratiques poussiéreuses, cette même Fondation qui n’hésite pas à congédier d’un revers de la main toutes les structures qui auraient l’outrecuidance d’avoir des idées. Vous êtes un homme de media, monsieur Bern. Vous êtes populaire. Et, incontestablement, la cause du patrimoine demande à être médiatisée afin de devenir populaire. Comprenons ici, afin que le peuple se réapproprie de droit cette question. Et ce n’est pas ce qui est en train d’arriver. Loin de là. Le patrimoine en est réduit aujourd’hui à n’être qu’un simple dispositif médiatique de plus, de pure forme et sans contenu, parfaitement adapté à la société du spectacle qui est la nôtre. Vous vous êtes présenté comme le « sauveur », ne mesurant pas ce que cela impliquait. Encore ce matin, j’ai lu : « si Stéphane Bern s’en va, que va devenir notre patrimoine ? » Vous rendez- vous compte de ce que vous avez provoqué ? A avoir sans doute voulu bien faire, « le peuple », dont je suis, s’imagine que, sans vous, le patrimoine est voué à l’oubli et à la destruction. Or, même avec vous, c’est tous les jours que les « vestiges » de notre histoire sont rayés de la carte sans aucune compassion ! C’est cela monsieur Bern que vous auriez dû dénoncer dès le départ. Vous faites volte-face aujourd’hui en dénonçant certaines hérésies de la loi ELAN ? Certes, il vaut mieux tard que jamais, me direz-vous, mais c’est dommage. Vous auriez pu faire des miracles, mais entre nous, je ne vous l’apprendrai pas, les miracles ont lieu à Lourdes, pas à l’Élysée.
Mais il y a pire.
En organisant cette loterie, dans les conditions que vous avez choisies, vous avez généré des espoirs dans la France des territoires et, bien sûr, dans le cœur des élus locaux, des érudits de village et autres présidents d’associations. Tous, en faisant remonter leurs cahiers de doléances, y ont cru. Ils ont cru en vous. Mais la grande majorité a été écarté du jeu. Vous ne l’avez probablement pas fait exprès, mais ce que vous avez créé, monsieur Bern, c’est une immense attente et une immense déception. Mettez-vous une seconde à la place de tous ceux qui n’ont pas eu la chance ou l’entregent de voir leur patrimoine local « reconnu ». Croyez-vous sincèrement que vous avez œuvré dans le sens du patrimoine en faisant de tel ou tel bâtiment ou monument quelque chose qui, en définitive, devenait « indigne » ou, pour le moins, pas assez méritant ? Pensez-vous avoir rendu au peuple sa fierté patrimoniale en procédant de la sorte ? Non, monsieur Bern. Vous avez fait déchoir ce que d’aucuns appellent le « petit » patrimoine. Écoutez les gens : « si monsieur Bern juge que ce n’est pas assez bien, c’est peut-être que ça ne vaut rien du tout ». Vous avez confisqué le patrimoine et ses protocoles d’évaluation sur un mode parisiano-régalien des plus opaques. Comprenez-vous enfin, monsieur Bern, que vous avez, en amont, choisi comme outil de recensement des priorités patrimoniales un jeu de hasard ? On croit rêver.
Vous avez engendré, ici et là, du découragement si ce n’est de la honte. Vous deviez rassembler. Vous avez divisé. Ce n’est pas de cette manière que l’on sauve le patrimoine. La plus petite association locale le sait bien : s’intéresser au patrimoine, c’est fédérer les énergies et susciter la fierté. Avant d’organiser un tel loto, il fallait descendre dans la France du bas, la France des associations locales, il fallait consulter celles et ceux qui chaque jour s’impliquent dans leur patrimoine. Dans un moment de lucidité, vous avez appelé à la création d’une association nationale de défense du patrimoine qui serait vraiment populaire. Elle existe déjà monsieur Bern. Elle s’appelle Urgences patrimoine. Vous n’êtes pas sans le savoir et pourtant, sciemment, royalement, vous avez choisi de l’écarter de tout projet, tout comme vous l’aviez fait en 2015 lors de l’émission « sauvons nos trésors » alors même, que c’est cette association justement qui avait été sollicitée par Morgan Production pour « donner » des informations au sujet des patrimoines à sauver d’urgence. Mais rassurez-vous, vous n’êtes pas le seul à puiser dans les idées des « gaulois réfractaires » que nous sommes. Triste constat, donc : il n’est manifestement pas bon que le peuple se mêle de ce qui le regarde, ça c’est une évidence ! Sauf bien entendu pour sortir 15 euros de sa poche.
Allez Monsieur Bern, continuez donc à nous enchanter avec vos émissions, continuez à donner du crédit à votre Fondation qui est une belle initiative de votre part, mais ne vous abaissez pas à exécuter de viles besognes qui finiront par nuire à votre travail et à votre réputation.
Alexandra Sobczak-Romanski