Premier épisode d’une série pastichant James Bond. Je m’y attendais depuis un moment, mais sans vouloir croire que la chose fût possible. Elle était non seulement possible, mais elle est devenue réalité : Thierry Lentz a été fait « Membre d’Honneur » (« Fellow ») de la Société Napoléonienne Internationale (SNI) de Montréal fondée par Ben Weider, aujourd’hui décédé. Je ne pouvais laisser passer cette information sans réagir. On verra plus bas pourquoi.
Et alors, interrogeront sans doute ceux à qui ce nom de Weider ne dit rien ?
Alors, Ben Weider est l’homme par qui le scandale est arrivé.
Le scandale ?
Celui d’avoir fait connaître au grand public que Napoléon, déporté à Sainte-Hélène, avait été empoisonné à l’arsenic.
Dès lors, cet homme, admirateur fervent de Napoléon – il a déboursé 1 250 000 US dollars pour doter l’université de l’État de Floride d’une chaire d’études sur la Révolution et l’Empire (1 – se référer en bas de texte) – devint la bête noire de tout ce que la napoléonie compte d’historiens, patentés ou non. Mais aux ordres.
On vit alors les « caïds » de cette napoléonie que sont Jean Tulard et Thierry Lentz en chefs de meute escortés de leurs habituels sonneurs de trompe médiatiques, courir sus à l’intrus, qui venait goujatement de gripper les rouages bien huilés de la belle machine à désinformer.
On les vit et entendit se déchaîner en sarcasmes grossiers, en moqueries insultantes, en propos méprisants – le « fabricant canadien d’articles de sport » : un grand classique ! – pieusement repris et propagés par une poignée de journalistes serviles, qui se firent – à quel titre et en contrepartie de quoi ? – les hérauts de cette entreprise d’une bassesse inouïe, d’une mauvaise foi, et d’une malhonnêteté révoltante, qui ferait rougir n’importe quel honnête homme.
Au fil des interventions, on pouvait lire par exemple :
Le Suédois [Sten Forshuvud, « l’infortuné dentiste », comme le surnomma le Maître, lança les premières investigations avant de passer le flambeau à Weider] et le Canadien [il ne donne même pas leur nom !] ont fini par donner à leurs élucubrations peintes aux couleurs de la science un écho tel que la rumeur d’empoisonnement est devenue une sorte de lieu commun […]. Nous devons les rejeter sans appel à la lumière des éléments historiques.
« Le Suédois », « Le Canadien », les « élucubrations » (merci pour les scientifiques !).
Thierry Lentz a le don, devenu rare de nos jours, de s’exprimer en gentilhomme.
Hélas, c’est raté, « old boy », la thèse de l’empoisonnement de Napoléon a fait son chemin dans l’esprit du grand public, ce qui, compte tenu des moyens (et des plus bas) que vous avez déployés pour la bloquer, constitue pour vous tous un échec cuisant (2 – se référer en bas de texte).
Quand parut son minuscule « opus » : « La Mort de Napoléon, Mythes, Légendes et Mystères », écrit en collaboration avec son complice ordinaire, Jacques Macé, on vit le directeur de la Fondation Napoléon trotter de studios en studios pour en faire la promotion frénétique, tout en daubant sans vergogne ses bêtes noires : les « empoisonnistes ».
Je ne résiste pas au plaisir de copier-coller un extrait de la 4ème page de couverture du chef d’œuvre :
Face aux approximations ou aux délires sensationnalistes, Thierry Lentz et Jacques Macé rétablissent avec une saine tonicité et toute la rigueur de l’historien, la vérité, rien que la vérité !
Un instant, j’ai cru lire « saine toxicité » !
Quant à la vérité ! Il est des mots qui dans certains contextes font rire. Ou ricaner. Il est vrai que, pour ce qui est de la « rigueur » sur la question de l’empoisonnement de Napoléon, notre ami se pose un peu là, selon l’expression populaire bien connue.
Je n’oublie pas non plus ce petit chef-d’œuvre, extrait de la critique (sic) de l’ouvrage par un journaliste du Point (3 – se référer en bas de texte), le 23 avril 2009, que je cite toujours avec une certaine délectation :
Thierry Lentz, directeur de la Fondation Napoléon, et Jacques Macé réfutent, preuves historiques à l’appui, ces versions loufoques dans un petit livre qui se dévore comme un roman policier.
Moi qui connais cette affaire à fond – ce n’est pas péché d’orgueil, mais un fait – y compris sous ses aspects scientifiques, je n’oserais même pas raconter une telle pantalonnade à un cheval de bois de crainte qu’il ne se mette à ruer !
Comment un journaliste digne de ce nom, et surtout de sa profession, peut-il avoir l’effronterie de juger, de trancher – ou de faire semblant – sans connaître l’affaire, en ne prêtant l’oreille qu’à l’adversaire, en restituant sans esprit critique ses arguments controuvés – une forme aiguë de psittacisme – et pire, en qualifiant de « loufoques » des analyses effectuées par des personnalités scientifiques indiscutables (4 – se référer en bas de texte) ?
Quelle odieuse suffisance, et quelle servilité !
J’espère pour l’auteur que ces quelques lignes lui ont été soufflées par qui vous savez, sinon, ce malheureux – façon de parler, évidemment – serait bien à plaindre.
Même le célèbre « Canard Enchaîné », que l’exiguïté de sa rubrique littéraire rend extrêmement exigeant, nous a servi au mot près le couplet du « roman policier qui… ».
Sans être « conspirationniste », il faudrait être bien niais pour ne pas deviner l’existence d’un mot d’ordre : en effet, sans une « recommandation » ad hoc, un livre aussi mince, aussi creux, et d’une si affligeante pauvreté littéraire – et scientifique – n’aurait jamais trouvé sa place dans cette page prestigieuse que tous les (vrais) auteurs convoitent.
1 – Dans un article particulièrement insultant paru dans le magazine « L’Express » du 1er juin 2000, intitulé « L’obsession de Weider », on pouvait lire ceci : « En 1998, la Fondation Ben Weider verse 1 250 000 dollars à l’université de Floride. La chaire d’histoire de la Révolution française et de l’Empire, conduite par le professeur Donald Horward devient la « Ben Weider Eminent Scholar Chair in Napoleonic History… Une générosité qui explique peut-être l’appui de Horward à la thèse de l’empoisonnement. » Le sous-entendu de cette phrase est parfaitement limpide, qui signifie tout simplement que Ben Weider a acheté, à coups de millions de dollars, l’intégrité d’un professeur d’université américain, Donald D. Horward, afin que celui-ci lui apporte sa caution d’historien. » Cette hypothèse, on s’en serait douté, parut tout à fait plausible au pontife de la napoléonie, comme le démontre cette citation : « Jean Tulard, spécialiste français de la période s’en amuse [!!] : “Je ne jette pas la pierre à mon collègue, le Pr Horward [elle en dit long, cette phrase]. Je serais très heureux de bénéficier de tels moyens [et les millions de la Fondation où le « pape » est persona grata ?]. Il reste que je ne peux en tant qu’historien sérieux [en ce qui concerne l’empoisonnement de Napoléon, l’adjectif prête à sourire… jaune] soutenir cette thèse que l’autopsie de la dépouille infirme”. » La bassesse au plus haut. Il est impensable qu’un tel article n’ait pas été « inspiré ».
2 – Notre « Maître à tous » révèle ainsi qu’il n’a « pas compté le nombre d’émissions à la télévision ou à la radio auxquelles [il a] participé sur ce sujet : plus de trente sûrement. » Comme on peut s’en douter, il s’est certainement fait violence pour honorer toutes ces invitations ! Outre les dîners en ville, on l’interrogeait même dans les transports en commun : « Oui, jusque dans le métro ! ». La célébrité, quel fardeau !
3 – Je lui ai écrit à titre personnel pour lui expliquer que nous n’étions pas dans le registre de la loufoquerie. Il ne m’a jamais répondu. Normal : il avait délivré le message que l’on attendait de lui ; mission accomplie donc. Ce refus du dialogue n’est pas unique.
4 – À toutes fins utiles, je rappelle que le scientifique qui a participé à l’élaboration des « théories loufoques », le Dr Pascal Kintz, a fait partie des toxicologues qui ont analysé les cheveux du président ukrainien Viktor Iouchtchenko qui avait été empoisonné à la dioxine. Inconscients et naïfs, ces Ukrainiens ! En cas de récidive, qu’ils n’hésitent pas à contacter la Fondation, ce sera plus sage. Et plus « vrai » ! Les visiteurs du « Carré qui seraient intéressés par cette histoire incroyable, aussi exemplaire que la désinformation triomphante sur les « guerres napoléoniennes » peuvent se rendre sur le site de la SNI (societenapoleonienne.com), onglets « Thèmes », Rubrique « Empoisonnement » : « Saga de l’empoisonnement de Napoléon » (4 épisodes). Je ne veux influencer personne, mais il me semble qu’il est instructif de découvrir jusqu’où certains peuvent aller pour détruire ce qui dérange.