Orpheline d’Austerlitz sur Cherbourg

Embarquons dans la machine à remonter le temps et atterrissons en mars 2007 à Carneville, petite commune du Cotentin, à proximité de Cherbourg. Notre mission est de restaurer une tombe du nom de Geneviève Napoléon Lamache-Lebrequier, orpheline d’Austerlitz et fille adoptive de Napoléon.

Cette tombe était abandonnée, abîmée par le temps, et le lichen enrobait les inscriptions. Dans cet état alarmant, proche de la destruction, on se dit qu’il n’y a plus de descendant ou que, s’il y en avait, ils devaient être à des milliers de kilomètres… Les élus locaux n’avaient pas l’air de s’inquiéter, probablement à cause d’un planning très chargé. Alors, devant l’immobilisme, une prise d’initiative s’imposait naturellement, et après quelques achats d’outils et de pots de peinture, la restauration commençait, bien que cela soit formellement interdit sans autorisation et pourrait être considéré comme de la profanation. Parfois, pour la bonne cause, il faut taper vaillamment dans la fourmilière, et le maire de Carneville finit par approuver, surtout avec des retombées médiatiques et touristiques. J’avais formulé un vœu :

« que cette tombe soit entrenue régulièrement, qu’elle soit fleurie chaque 2 décembre, et qu’une description historique soit affichée à l’entrée du cimetière pour l’instruction des visiteurs ».

FILLE D’UN BRAVE D’AUSTERLITZ

Le père de Geneviève Napoléon est Martin Lamache. Originaire de Clitourp, commune voisine de Carneville, il s’engage comme fusilier dans le 40e régiment d’infanterie de ligne et part quelques années s’aguerrir dans les bases militaires du Pas-de-Calais. Fin août 1805, les armées autrichiennes et russes menacent la Bavière et l’Empereur Napoléon s’engage à y aller avec son armée pour rétablir l’ordre. Martin marcha avec la division Suchet, appartenant au 5e corps du Maréchal Lannes, jusqu’au cœur de l’Europe centrale, en Moravie. 

Après la victoire d’Austerlitz du 2 décembre 1805, Martin décède malheureusement de ses blessures quinze jours après, à l’hôpital de Brünn (Brno, dans l’actuelle République Tchèque). En hommage, Napoléon décréta :

  • Article 1, nous adoptons tous les enfants des généraux, officiers et soldats français morts à la bataille d’Austerlitz.
  • Article 2, ils seront tous entretenus et élevés à nos frais. (Les veuves percevront une pension).
  • Article 3, indépendamment de leurs noms de baptême et de famille, ils auront le droit d’y joindre celui de Napoléon.

Également, un temple de la gloire sera élevé à Paris, place de la Madeleine, en mémoire des braves soldats de cette campagne militaire.

L’Eglise de la Madeleine

GENEVIÈVE NAPOLÉON

Geneviève naquit le 2 janvier 1802 et mourut le 23 janvier 1842. Elle fut l’épouse de Pierre Lebrequier, maire de Carneville, et eut trois enfants. Sur sa tombe, on peut y lire l’inscription suivante : Ici repose Geneviève Napoléon Lamarche, orpheline d’Austerlitz, fille adoptive de l’Empereur Napoléon. Épouse de Pierre Barnabé Lebrequier, maire de Carneville, décédée en cette commune le 23 janvier 1842 à l’âge de 40 ans et 21 jours. Bonne épouse, tendre et aimable mère, amie sincère, aimant l’ordre et le travail et n’ayant jamais cessé d’en donner l’exemple jusqu’à ses derniers moments, une digne épouse et mère.

CÉRÉMONIE BICENTENAIRE

En mai 2007, nous avions pu retrouver l’actuel descendant qui habite près de Carneville, et avons pu voir également une photo (Paris Match reportage) de son père, datée de 1989, qui portait une tenue de grenadier à pied Premier Empire, et avec dans sa main, la somme symbolique de 6 francs reçue chaque année. Ainsi donc, les gouvernements passent, et les décrets de Napoléon perdurent encore, plus de deux siècles après. C’est à la fois émouvant et incroyable de percevoir encore la pension, hélas réduite à une minuscule somme symbolique. Une cérémonie avait été organisée, le descendant présent et invité au déjeuner par le souvenir Napoléonien. Sur demande du Commandant François Harari, les achats pour les petits travaux avaient été remboursés, même si j’avais refusé. Dans la revue papier du souvenir Napoléonien, aucune trace de cet événement. Bien des années après, il fallait y remédier.

Photo Loïck Bouvier, 2007.

ET EN 2019 ?

J’ai croisé Guillaume dit « 99 » qui entreprend la marche des inacceptables depuis le 11 novembre 2018, une marche sur le périmètre du territoire français, et je lui avais confié une petite mission, celle d’aller se recueillir sur la tombe, le 2 décembre, et pour constater si mon vœu de 2007 avait été exaucé. Je le remercie du fond du cœur pour avoir exécuté promptement et avec audace cette mission, il a démontré une bravoure exemplaire, c’est tellement rare de nos jours. Il a déposé deux sous, un pour lui et un pour moi, une tradition ancienne pour informer les futurs visiteurs. Malheureusement, le constat est triste, car visiblement sur la photo ci-dessous, aucun entretien n’a été effectué de la part des héritiers, des élus de Carneville, ni par le souvenir Napoléonien. C’est une honte, et j’invite d’autres audacieux à témoigner en direction de ces organismes :

Mairie de Carneville, Maire : Francis LE DANOIS
1 place Jean-Louis SALLEY
50330 CARNEVILLE

Horaires d’ouverture :
lundi : 14h-18h30
jeudi : 9h-12h

Contacts :
Tél. : 02.33.22.92.18
e-mail : mairie.carneville@orange.fr

Souvenir Napoléonien Normandie
M. Jean Marc AUGER
181 rue Eau de Robec
76000 Rouen

Tél. : 06 66 74 40 07
e-mail : pratzen@orange.fr

Photo Guillaume-99- 2 décembre 2019

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