Sokolov, tragédie sur la Moïka

Une tragédie, une de plus. Jeudi 7 novembre 2019, à Saint Petersbourg, Oleg Sokolov, professeur et auteur spécialisé de l’Histoire napoléonienne, a assassiné Anastassia Echtchenko, sa jeune compagne et collaboratrice. Dans la nuit du 8 au 9 novembre, sous l’influence de l’alcool, il était en train de se débarrasser du corps d’Anastassia dans la rivière Moïka par des méthodes innommables. Tombé à l’eau, puis arrêté par la police locale, il finit par avouer. 

Cette tragédie nous marque tous évidemment, la famille et les amis en premiers. Les uns s’échauffent, puis se noient dans l’émotion, et d’autres sont mêmes guidés par la vengeance et le lynchage, des comportements rappelant cette foule assoiffée de sang qui venait assister au dernier geste du bourreau.

Nous ne pouvons savoir ce qu’il se passe dans la vie privée des couples, il y a probablement des zones d’ombre que la justice russe se chargera d’éclaircir, et pour ces raisons, il serait sage de s’abstenir de jugements, surtout si nous sommes, en tant que Français ou en tant qu’Occidentaux de l’Ouest, à des milliers de kilomètres, de culture et de langue différentes. La police et la justice de la Russie, qui fonctionnent elles aussi différemment, sont les seules habilitées à rassembler les faits et à juger le coupable conformément à leurs lois. 

L’incompréhension envahit tous ceux qui ont appris la tragédie. Il est important, devant ce qui paraît inexplicable, d’aller trouver un début de réponse à la source de l’être humain, cette partie enfouie au plus profond de l’être mais que l’humain moderne s’interdit de voir, cette partie pourtant bien réelle et inscrite jusqu’au dernier souffle. Il n’y a aucune surprise car tout ce qui se passe dans le présent s’est déjà produit dans le passé sous une forme différente et se produira encore dans le futur comme chaque lever ou coucher de soleil. « Rien ne meurt, rien ne naît ; tout s’assemble, tout se sépare » ainsi parlait Empedocle et chacun pourra méditer sur les molécules en interaction.

C’est, en effet, une secousse inattendue qui pourrait entraîner d’autres secousses comme celles que provoquent les plaques tectoniques en mouvement. Les grands prêtres français de la Napoléonie se sont immédiatement concertés et ont privilégié l’option du silence afin de continuer paisiblement à circuler sur leur boulevard, un boulevard soigneusement nettoyé, débarrassé de tout opposant gênant.

Nous pourrions, nous aussi, pratiquer l’esquive, mais nous pensons qu’il est, au contraire, d’utilité publique de ne pas se voiler la face, ni de faire la sourde oreille, et d’accepter la vérité telle qu’elle est, car cette tragédie touche en plein cœur notre Histoire, notre Napoléon, l’Histoire du Premier Empire et ceux qui la transmettent par l’oral, l’écriture et la reconstitution.

VASTE PLAN ANTI-ICÔNES

Napoléon !

Cet Empereur des Français que les appareils d’informations qualifient de « controversé » dans leur présentation immédiate. Déjà à son époque, ses opposants le qualifiaient de « tyran sanguinaire », « d’ogre mangeur d’enfants », « d’Antéchrist », qualificatifs sans cesse répétés de nos jours, sans preuve et sans contestation.

Plus récemment, de nouveaux qualificatifs sont venus le compléter sous le prétexte de l’objectivité mi-figue mi-raisin : « Napoléon, génie et propagande » (signé Tulard), « Napoléon, Père de la série des dictateurs du XXe siècle » (signé Lentz), « Napoléon violeur » (signé un membre de l’équipe Stéphane Bern), « Napoléon est un Janus » (signé Chanteranne), « Chez Napoléon, la passion amoureuse est associée au plaisir de faire la guerre, ces deux passions se mélangent » (signé Gueniffey).

Ces mêmes qui s’insurgeaient que l’État ne commémore pas le 250e anniversaire de la naissance de Napoléon, ainsi que la bataille d’Austerlitz. Mais comment voulez-vous que ceux à la tête de l’État et élus « démocratiquement » s’y intéressent si de tels ambassadeurs passent leur temps à casser celui qu’ils sont censés défendre, et qui au passage, grâce à ce prénom, mènent une vie de luxe ? Est-ce que les États-uniens se permettent d’insulter leurs pères fondateurs ? Il ne me semble pas ; en revanche, les indigènes amérindiens ont connu l’épuration ethnique, ils étaient considérés comme les « méchants sauvages ». Est-ce que les Britanniques font de même avec leurs rois et reines, leurs George et Wellington ? Il ne me semble pas ; en revanche, l’épuration ethnique aux Indes et en Afrique du Sud, ainsi que les camps de concentration sur l’île de Sainte-Hélène et sur les pontons ont malheureusement existé et sont soigneusement cachés à la vue du public. Que dire de l’épuration ethnique organisée par l’Espagne et le Portugal aux Amériques ? Et que dire des formules « ils partirent 600000, ils revinrent 50000 de la campagne de Russie », « 2 à 3 millions de morts sous le Premier Empire », et des « Guerres de Napoléon » ? Formules accusant Napoléon d’être lui-même le déclencheur des Guerres dans le Monde tandis que la lettre de George III, déclarant la guerre, n’est jamais citée à part sur le blog antidote Carré Impérial.

Notez qu’après nos nombreuses réactions, il semble que l’appellation « Guerres de Napoléon » glisse sur une autre appellation « Guerres de Coalitions », mais cela reste imprécis et inexact, car nous attendons la véritable, c’est à dire « Guerres de George III, Géorgiennes ou Guerres Tories » du nom de leurs déclencheurs. Observons ensuite que la population française avait nettement augmenté et que les soldats n’étaient pas tous morts en Russie, à Leipzig, en Espagne, et à Waterloo, que des centaines de milliers de vétérans survivants ont reçu la médaille de Sainte-Hélène 40 ans après la fin du Premier Empire, et que certains, sabrés à de multiples reprises, ont pu dépasser les 70, 80, 90 et 100 ans et ainsi transmettre leurs témoignages. Cette société française de l’époque, dont nous sommes les descendants, enfin j’espère, n’avait pas associé Napoléon à ces qualificatifs, et si c’était le cas, Napoléon n’aurait pas fait 24h, et personne ne serait venu au retour de ses restes mortels en 1840.

Tous ces qualificatifs calculés sont faits pour diviser, faire douter, écœurer, et fuir tous ceux à l’écoute et à la lecture, car c’est bien le but recherché, tout comme on divise la société, les uns à gauche, au centre, à droite, les autres à l’extrême gauche et à l’extrême droite. Il est désormais visible que s’il n’y a plus d’unité, il n’y a plus de nation, ni de peuple, et tout devient contrôlable pour les marionnettistes du haut de leurs tréteaux.

Mais qui ordonne de placer délicatement ces qualificatifs ? Les journalistes ? Les gouvernants de la Ve République ? Les associations ou organisations occultes ? Les lobbies, banquiers ou industriels milliardaires ? Les apatrides ? Ou est-ce cette Hydre sans visage, sans nom, camouflée dans toutes ces arcanes, qui orchestre et qui reste insaisissable ?

NOUS FAIRE PASSER POUR DES DINGOS

Nous sommes obligés de nous questionner sur le pourquoi de ces attaques régulières. Nous avons l’impression que Napoléon, décédé officiellement en 1821, représente encore un danger pour le pouvoir en place, et que tout semble mis en œuvre pour que jamais un spectre de la même fibre ne puisse renaître. Il ne faudrait donc pas que la majorité des Français admire et connaisse la véritable Histoire du Premier Empire et de Napoléon. Alors pour ajouter aux qualificatifs déjà détectés plus haut, voici qu’une nouvelle manœuvre perverse apparaît et vise à toucher la poche de résistance, admirateurs et descendants du Premier Empire, et à les classer, sur décision des dingologues (surnom donné aux psychologues de la Marine) et des journalistes procureurs, dans la catégorie des fous. Durant les bicentenaires, sont sortis du chapeau, « pure coïncidence », des livres boostés par l’armada médiatique. Premier exemple : « L’homme qui se prenait pour Napoléon » (Gallimard) de Laure Murat, « Maison Murat » et estampillée historienne, cela fait plus crédible, qui affirme le plus sérieusement possible l’influence de l’Histoire sur les esprits fragiles, diagnostic médical partagé également par le Prince Charles Napoléon interviewé en 2015. Remarquons que ces deux héritiers, qui ont un curieux goût pour le sabotage, doivent leur vie paisible et bourgeoise grâce à leurs lointains ancêtres qui ont crapahuté entre bivouacs et champs de bataille, la mort à l’affût. Suit un article avec le titre putaclic « Napoléon, l’idole des fous » choisi par un journaliste Christophe Ono-dit-Biot qui ne sait peut-être pas qu’il est descendant de la société française du XIXe siècle, à moins qu’il soit d’origine étrangère, ou alors, plus inquiétant, qu’il soit totalement déraciné et apatride comme des végétaux que l’on cultive sous serres ou des animaux que l’on domestique en appartement. Le champion des registres d’asile, que Laure Murat a épluchés, est… devinez… Napoléon ! « Il y a une foultitude de malades se rêvant bicornus ». Causes ? Le fait que Napoléon soit décrit comme « l’homme invulnérable, aventurier, au pouvoir étendu, plus puissant que ses prédécesseurs et en même temps self-made-man ». Et le journaliste en profite pour y glisser un joli parallèle grâce à l’article du Temps où « Giannakopoulos rapporte qu’il a connu quelques cas de malades se prenant au début des années 2000 pour Ben Laden, figure maléfique par excellence ».

CQFD, Élémentaire !

Deuxième exemple : « La santé psychique de ceux qui ont fait le monde » (Odile Jacob) du psychiatre et clinicien Patrick Lemoine. En juin 2019, un article est paru avec le titre putaclic « Napoléon, Hitler, de Gaulle, Marie-Antoinette… Étaient-ils tous fous ? » avec une image de Napoléon accolée à celles d’Hitler et de De Gaulle, choisis par la journaliste Pauline Ducousso qui doit avoir les mêmes symptômes que son confrère. Patrick Lemoine a donc réalisé une étude « historico-psychique » et en conclut magistralement que « Napoléon était quelque peu psychologiquement perturbé, avec trouble bipolaire et doublé d’un complexe d’Œdipe. Dormant peu, il grossit et souffre d’un affaiblissement cognitif au sens démentiel. Une preuve de sa démence : l’invasion de La Russie ».

CQFD, cher Watson !

Précisons, pour ceux qui l’ignorent encore et qui pensent naïvement que le journalisme est un métier formidable chargé de transmettre l’info « de la vraie », que ces deux journalistes cités sont salariés de l’hebdomadaire Le Point, propriété du milliardaire Pinault et subventionné (220000 € en 2015, les autres années ne sont pas publiées) par l’État français, c’est à dire les Français qui sont soumis à l’imposition.

Rapidement contacté par la presse people, l’autoproclamé « représentant de Napoléon sur Terre », juste un trait d’humilité, s’est dit effondré à l’annonce de la tragédie, puis en a remis une couche précisant que son « ami » Sokolov était « schizophrène » ! Propos qui, dans la foulée, donne du pain à Tanguy Pastureau, animateur radio de France Inter, balançant sa petite chronique « Oleg Sokolov, un psychopathe très sympa selon ses proches », sous l’esclaffement de ses compères dont Nagui Fam. Il y a comme une odeur fétide qui se dégage, et cette manie de toujours parler à la place des experts russes, excusez-moi d’être franc, mais si c’est cela « être un ami », fuyez-le ! Je crains que cet énergumène commence à agacer, et s’il ne le sait pas, il a encore raté une occasion de se taire. Qu’il reste dans sa cage aux folles parisienne à conclure ses affaires pas toujours cathodiques, là est son talent.

COMMÉRAGE

Les médias francophones et anglophones sont friands des mauvaises traductions et des on-dit maintes fois répétés : « Quand les mouettes suivent le chalutier, c’est qu’elles pensent que des sardines seront jetées à la mer » (réponse d’Eric Cantona, élu joueur de football du siècle par les supporters de Manchester United, à des journalistes). Selon eux, Sokolov, avant de devenir un assassin, avait déjà le potentiel puisqu’il « aurait maltraité et tué des chevaux durant les reconstitutions de bataille ». Le conditionnel et l’inexistence de procès verbal n’intéressent pas la justice et les experts russes. On rappelle que c’est une reconstitution de bataille et non un thé dansant ou une ballade gourmande, que cela peut être considéré comme une expérimentation afin de retrouver les sensations des charges de cavalerie – à l’époque, dévastatrices et meurtrières – et que cela peut servir aussi à comprendre. Le cheval peut se blesser à de multiples reprises, et si c’est grave, il est naturel d’abréger ses souffrances. Mais que dire alors de tous les chevaux de l’Histoire ? Que dire de ces compagnons, véhicules et outils à quatre pattes de l’être humain avant que l’on invente les machines roulantes motorisées, qui ont participé et aidé à conquérir l’énergie des territoires par le combat et pour la survie des clans ? Que dire de ceux qui ont vécu l’extrémité, à coups d’éperons, en passant les hautes températures et la sécheresse du désert, les froids et verglas d’hiver des montagnes et plaines eurasiennes, les rivières et fleuves à fort courant, et qui accessoirement servaient aussi de nourriture pour survivre quelques jours de plus ? Que dire des chasseurs, et de la tauromachie, que dire des guerres dans le monde, que l’on voile sous l’apparence religieuse, mais qui en vérité, ne sont que la rivalité entre clans pour la récolte des énergies, pétrole, gaz, uranium, qui au final permettent de déplacer en voiture, en avion et faire chauffer l’habitat de tous les Occidentaux citadins donneurs de leçons ? Alors faudrait-il interdire les reconstitutions, ne plus commémorer, ni transmettre le savoir de nos ancêtres ou modèles aux générations futures ? Non, pas interdire, car depuis quelques années, ces réunions historiques attirent un public et peuvent s’avérer juteux pour les commerçants, quelques politiciens et « scientifiques » de l’Histoire (la condition à remplir : rendre tout aseptisé…). Autre tragédie que tout le monde a oubliée : en 2012, pendant le bicentenaire de la campagne de Russie, non loin de Moscou, un « reconsti-tueur » (qui a inventé ce mot ?) a trouvé la mort suite à un accident de fusil, et la presse française s’était empressée de balancer le titre : « Napoléon a encore tué en Russie ».

TÉMOIGNAGES OCULAIRES

Je me souviens que durant une assemblée du souvenir napoléonien, pour l’organisation des commémorations du bicentenaire de la bataille d’Austerlitz, Oleg Sokolov s’était levé et avait proposé un défilé pour remonter sur l’Arc de Triomphe, précisant qu’ils étaient une compagnie de Russes francophiles capables de venir de Moscou – tous les napoléoniens français admiratifs se réjouissaient d’avance – mais malheureusement, la direction refusa immédiatement, cela avait d’ailleurs jeté un froid dans les rangs. En 2012, dans une émission spéciale bicentenaire de la campagne de Russie, il avait fait une prestation absolument remarquable sur l’analyse, en précisant les causes lointaines notamment l’assassinat du Tsar par… ? Probablement un fait à ne pas dire. Et il avait réussi à démonter les élucubrations de Lentz, Rey et Giscard d’Estaing. Mettre en position latérale de sécurité ce tricéphale qui ne connait rien à l’Histoire militaire : savoureux.

Témoignage d’un ami : « Oleg Sokolov, je l’ai connu dés 1978 à Leningrad et l’ai rencontré à de nombreuses reprises en Russie et à Paris jusqu’à la fin des années 90. J’ai suivi de près son travail remarquable d’historien et applaudi à ces formidables conférences qu’il donnait à La Sorbonne sous le regard attentif du Professeur Tulard. On avait souvent l’impression d’être sur les champs de bataille tant le conférencier avait ce génie de raconter ces événements. C’était un homme profondément passionné par l’époque Napoléonienne et il l’a connaissait admirablement bien. Il aimait aussi passionnément la France et parlait notre langue de façon remarquable. Je ne l’ai jamais vu, Oleg à cette époque s’adonner à l’alcool de manière inconsidérée, poison qui l’a probablement perdu. Aujourd’hui, cette affaire me bouleverse, je pense bien sûr à cette malheureuse jeune femme qu’il a sauvagement assassiné, puis horriblement souillé son corps. Je suis dans une immense tristesse mon ami Oleg, définitivement déchu, est tombé en enfer et perdre un ami dans de telle condition, c’est immensément difficile ».

LA FOLIE D’HÉRACLÈS

Comment ne pas se souvenir de la tragédie d’Euripide ? Après avoir accompli ses 12 travaux, Héraclès revint dans sa famille. Mais Héra, jalouse, n’en avait pas fini avec sa vengeance. Elle lui jeta, par l’intermédiaire d’Iris et de Lissa, le parfum de la folie, et le héros tua sa femme Mégara et ses enfants les Héraclides. En reprenant conscience, il plongea dans le chagrin et tenta de se suicider. C’est alors que Thésée, son ami véritable, employa sa grande sagesse et trouva les mots pour le raisonner…

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