Cela restera pour nous un précieux moment d’anthologie.
Sur un réseau social bien connu, notre fidèle ami Thierry Lentz s’insurge contre la décision des éditions Hachette de ne pas publier les Mémoires de Woody Allen. Et en quels termes ! Je ne résiste pas au plaisir de retranscrire ces fortes pensées. C’est du viril.
On a le sentiment, en lisant cette diatribe, qu’il voudrait se donner dans le milieu de l’édition une place, qui, malgré de louables efforts, lui fait encore défaut.
Aujourd’hui, et cela se constate chaque jour, pour se faire remarquer, l’indignation plus ou moins sincère, tient lieu de talent pour certains. Le milieu du cinéma est particulièrement représentatif de cette tendance nouvelle.
Fort de ce constat, notre ami a décidé, de jouer les Spartacus, d’entrer dans l’arène, et de s’indigner à son tour en s’attaquant à des géants de l’édition.
Ah mais !
Voici, pour ceux ‑ mais ils doivent être rares ‑ qui n’ont pas accès à ce réseau ce que cela donne. Sans points de suspension, pour garder toute sa « saveur » à cette roborative indignation publiée sous le titre Le ronchon du vendredi :
« Hachette fait joliment dans son froc et rentre dans le rang. Après la retraite piteuse de Gallimard dans d’autres affaires, eux cèdent avant même d’avoir été attaqués.
« Mon Dieu [émouvant, cet appel au Seigneur !] qu’ils sont pitoyables, et encore plus quand on lit leur communiqué lâche et hypocrite.
« Claude Durand, un ancien (?) grand éditeur de chez Hachette (1) que j’ai bien connu [cela ne fait pas de mal de se faire « mousser » un peu] doit se retourner dans sa tombe. Il aurait envoyé chier [je vous avais prévenu, c’est du viril] tout le monde et n’aurait pas cédé, “me too” ou pas…
« Si être éditeur est devenu ça… Celà [bizarre, cet accent !] confirme vraiment que la liberté est en péril. »
Tirade d’une rare vulgarité, hypocrisie, et indignation toute de façade
La grossièreté de ses expressions, nous la lui laissons.
Ce n’est qu’une posture bien dans le goût du temps. Cela sent un peu son matamore qui montre ses muscles, mais ne s’en sert pas. Pas ici en tout cas. Parce que, ailleurs…
Sans doute, la décision de ne pas proposer au public les Mémoires de Woody Allen ne grandit-elle pas la maison Hachette ‑ je n’ai aucun a priori, je n’y ai jamais été publié ‑ mais ce qui est révoltant dans cette tirade d’une rare vulgarité, c’est l’hypocrisie de son auteur, et son indignation toute de façade.
L’institution serait-elle « la voix de son maître » d’Albion ?
Il importe en effet de rappeler que ce « justicier » à la mode du jour est le directeur de cette Fondation Napoléon, qui « planque » sans vergogne ni états d’âme les ‑ vrais ‑ crimes commis par le gouvernement anglais pendant toute la durée du Premier Empire.
L’institution serait-elle « la voix de son maître » d’Albion ?
Au vu de ses cachotteries ‑ et quelles cachotteries ! ‑ on pourrait légitimement se poser la question.
En effet, motus et bouche cousue sur la tentative d’assassinat du Premier Consul le soir de Noel 1800 (Attentat de la rue Saint Nicaise), sur le sort ignoble des prisonniers français à bord de ces mouroirs flottants appelés pontons, sur l’agression délibérée et sans motif de la capitale du Danemark, Copenhague, sur l’assassinat du tsar Paul 1er, coupable de vouloir se rapprocher de Bonaparte, sur la découverte de la lettre manuscrite du roi d’Angleterre George III, qui « blanchit » Napoléon de l’accusation d’avoir déclenché les célèbres « guerres napoléoniennes », etc.
Quand on découvre par ailleurs que l’institution (sic) en question, avec la complicité de l’éditeur, s’arrange pour empêcher la réimpression d’un ouvrage qui peut gêner celui d’un membre de ladite institution sur le même thème, ou pour bloquer la publication d’un autre, livre, simplement parce qu’il ne rentre pas dans le mode de « pensée » de la maison, que la chroniqueuse littéraire d’une station de radio déclare à une attachée de presse qu’elle doit obtenir « l’aval de Thierry Lentz » ‑ qui n’est jamais arrivé ! ‑ pour inviter l’auteur d’un livre sur un épisode du Premier Empire… on se pince à la lecture des propos du « Ronchon du vendredi ».
Alors, M. le Directeur, lorsqu’une Fondation comme celle que vous dirigez présente un palmarès aussi accablant, il vaut mieux se faire discret et s’abstenir d’envolées dont la vulgarité et la grossièreté ne font même pas illusion.
Cela posé, vous avez raison : la liberté (d’expression) est bien en péril. Vous y participez activement.
Hachette (1) ‑ Claude Durand est surtout connu comme PDG des éditions Fayard qu’il dirigea pendant 29 ans.