Waterloo d’A. Barbero

Le livre « Waterloo » d’Alessandro Barbero est un essai qui décrit la journée de bataille du 18 juin 1815 opposant l’armée française aux armées britanniques et prussiennes. Une journée aux lourdes conséquences, puisqu’elle symbolisera la domination du Royaume-Uni des Tories sur l’Occident et l’Orient.

Cet auteur, par son style, rend très intéressant le récit de cette bataille. Il y a de nombreux témoignages qui apportent des images saisissantes des combats et de l’atmosphère à plusieurs endroits du champ de bataille. Des explications sur les antipathies entre les divers intervenants permettent d’éclairer le lecteur et de comprendre la complexité des rapports humains. Pourtant, ce livre comporte des erreurs.

EXAMEN CRITIQUE 

Déjà, certaines cartes et schémas, que l’auteur utilise pour illustrer son récit, sont de mauvaise qualité et illisibles. L’auteur fait preuve de partialité, ce qui peut surprendre de la part d’un Italien. L’Italie n’ayant pas participé à la bataille, on s’attendait à voir plus de neutralité. Or, au fil de la narration, on se rend compte que la vision anglaise prédomine. Il est certain que les témoignages britanniques l’ont influencé, car on remarque souvent des phrases comme : « la solidité de l’infanterie anglaise », tel anglais est « infatigable », ou bien « l’esprit sportif des Anglais et l’esprit suicidaire des Français ». Même les alliés des Anglais ne sont pas épargnés, et certaines allusions ne sont pas tendres envers les Belges et les Hollandais.

Il y a des erreurs, comme par exemple :

Quiot qui attaque la Haie-Sainte (ce n’est pas lui, mais Donzelot !) et d’Erlon attaquait Hougoumont…

Une inversion a probablement été faite sur les schémas des bataillons de la Garde, car on a du mal à savoir où se trouvait le 2e bataillon du 1er chasseur.

L’ASSERTION LA + MARQUANTE

Quand l’auteur prétend que Napoléon a commis une grave faute sur son aile droite en envoyant de la cavalerie légère à la place de l’infanterie légère. On regrette que des lecteurs la prendront comme une des causes de la défaite de Napoléon. De nombreux généraux ont essayé de trouver les fautes de Napoléon pour montrer qu’ils le comprenaient, et aussi pour faire parler d’eux. L’auteur a dû lire leurs critiques et a rejoint leur conviction.

Napoléon avait raison d’envoyer de la cavalerie et de garder son infanterie plus en retrait. La cavalerie devait retarder l’avance adverse, et dans ce secteur, elle était mieux adaptée, pouvant aller et revenir rapidement. Les troupes d’infanterie légère se seraient retrouvées isolées, livrées à elles-mêmes, et auraient perdu le moral. Les seuls points d’appui étaient celui du château de Fischermont et du bois attenant, mais à part défendre, rien n’aurait enrayé l’avancée prussienne qui était en supériorité numérique. Dans cette situation, deux bataillons prussiens suffisaient à les prendre.

Aussi, la zone présentait des plis de terrain tous parallèles, très défavorables pour défendre. Pour la défense, il fallait placer des points d’appui solides, comme l’indique Napoléon, à Plancenoit et sur la colline au nord de ce village, et le comte Lobau a parfaitement exécuté les ordres avec chacune de ces brigades. Ainsi disposées, les divisions permettaient de « reployer » le front français en potence, et formaient une digue derrière laquelle les troupes de l’aile droite pouvaient se rallier

Et dans ce cas, ou les Prussiens auraient été surpris de flanc par le maréchal Grouchy, ou bien juste par le corps du général Gérard. Les troupes ainsi disposées auraient pu soutenir l’aile droite et tenter une nouvelle attaque sur le front le moins protéger des Anglais.

RÉPONSE AUX DOUTES

L’auteur, à plusieurs reprises, doute des explications données par Napoléon à Sainte-Hélène. Il y a des supputations sur les décisions de l’Empereur et l’engagement de plusieurs unités. L’Histoire est très complexe, il faut y délier les mensonges, les non-dits, et les fausses vérités :

– L’exemple du maréchal Gouvion Saint-Cyr qui prétendait, dans ses mémoires, que Napoléon avait commis une grave erreur en 1813, en ne poursuivant pas les troupes russes et autrichiennes, et en ne s’avançant pas en Bohème, est symptomatique de ces généraux qui cherchent absolument des fautes, alors qu’eux-mêmes ne sont pas en possession de tous les éléments permettant de juger clairement la situation. L’Empereur a démontré tout le risque d’une telle manœuvre, et a prouvé que ce n’était que commettre la faute stratégique de ses adversaires qui avaient attaqué par les montagnes à dos.

Un joueur d’échecs aurait du mal à commenter une partie d’un « Kasparov », et vouloir expliquer ou trouver absolument les raisons de la défaite est assez illusoire. Il est négatif de remettre en cause la bonne foi des participants, et la vérité est beaucoup plus subtile.

Barbero-Waterloo

– La possibilité pour le corps du maréchal de Grouchy de marcher en totalité ou en partie est très peu abordée. – La défense des carrés de la Garde est relatée très succinctement.

– Les explications concernant la disposition des carrés de la Garde avec le repositionnement de la seconde vague vers les Prussiens – dans le cas de la victoire de la première vague – ne sont pas abordées.

– Le sort des blessés français après la bataille – avec les traitements honteux – sont, là aussi, passés sous silence.

UN BON POINT

Toutefois, l’auteur bouscule quelques préjugés sur les pertes anglaises. En règle générale, comme la victoire est « Anglaise », on pense que leurs pertes sont inférieures à celles des Français, or l’artillerie française a fait de gros dégâts, et si les pertes françaises sont grandes, c’est certainement à cause du traitement honteux réservé aux blessés après la bataille.

L’UCHRONIE DU SALON

Quant à la dernière partie du livre appelée « uchronie », elle est très décevante. L’auteur s’est interrogé sur ce qu’il se serait passé si Napoléon avait gagné la bataille du Mont Saint-Jean, et résume que, de toute façon, l’Histoire se serait rejointe après 1850. Pour l’auteur, il n’y aurait pas eu de changement significatif, que seule la carrière de Wellington aurait été différente, que l’Allemagne aurait été réunifiée sous le sceptre prussien, et que Napoléon III serait monté sur le trône.

Affirmer de telles choses est « choquant », car les révolutions de 1830 et de 1848 avec une constitution libérale – comme celle de l’acte additionnel aux constitutions de l’Empire – n’auraient certainement pas eu lieu.

Après la victoire de Napoléon, le parti anglais « de la guerre » – qui avait gagné par un énorme mensonge – aurait été refroidi pour un long moment.

Et comme Londres était la banque des coalitions, il y a fort à parier que l’Empire des Français se serait considérablement renforcé, et que Napoléon aurait vécu encore plus de 20 ans.

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